Les mariages forcés, l’entrée dans tous les états, contre l’inclination des enfans, sont incomparablement plus fréquens. […] Il est difficile de fixer les bornes de l’autorité paternelle sur l’établissement des enfans. […] Veut-il donc faire l’apologie des parens qui abusent de leur ascendant sur l’esprit des enfans, & de la foiblesse des enfans qui se laissent entraîner comme des victimes ? […] Il n’est guère possible à un Magistrat d’élever ses enfans. […] L’expérience le démontre tous les jours, que les parens font à plaindre d’avoir des enfans libertins, amoureux, inconstans, bizarres, s’ils s’opiniâtrent dans leurs folies.
Je n’envisage, ici, que les enfans de nos Bourgeois, qui sont les plus assidus à ces Spectacles Forains, & cette jeunesse forme la classe la plus nombreuse, & en même-tems la plus nécessaire à l’Etat. […] D’autres enfans ont des peres & meres économes, qui connaissant le prix de l’argent & qui, ne perdant jamais de vue les peines qu’il leur en coûte à le gagner, savent l’épargner. […] Mais est-ce à ces traits que vous reconnaîtrez les enfans de nos Bourgeois qui hantent les Trétaux ? […] Et quel mal pourraient nous faire nos ennemis jurés, quel mal plus grand, que celui de corrompre nos femmes & nos enfans ? […] La plupart de ces peres & meres qui vont aux Trétaux, ne rougissent point de répéter devant leurs enfans les obscénités qu’ils ont recueillies aux Boulevards, & d’enchérir encore par-dessus.
En effet le vice n’est pas dangereux parce qu’il est ridicule, mais parce qu’il entraîne après lui des suites funestes : par exemple, l’ivrognerie n’est pas un vice dangereux, parce qu’il met celui qui en est dominé dans un état d’extravagance qui lui attire les regards de tous les passans ; parce qu’il lui fait dire cent choses déraisonnables qui le font prendre pour un insensé ; mais bien parce qu’un ivrogne va dépenser au cabaret l’argent qui seroit mieux employé au soutien de sa famille ; mais bien parce qu’un ivrogne pour contenter sa malheureuse passion, laisse manquer de pain à sa femme & à ses enfans ; parce qu’il perd le goût du travail, & tombe lui-même dans la misere inséparable de la fainéantise ; mais bien parce qu’un homme dans l’état d’ivresse perd le sentiment de sa propre conservation, & qu’étant privé de raison, il n’a plus de frein qui puisse s’opposer à ses mauvais penchans. […] Dira-t-on qu’un avare est un homme dangereux, parce qu’il querelle à chaque heure du jour ses enfans & ses valets, sur la consommation excessive des provisions domestiques ; parce qu’il s’habille de toile pouvant porter un habit de drap ; parce qu’il nettoie lui-même ses lampes, & ramasse l’huile qui est au fond pour lui tenir lieu de pommade ; parce qu’il égoutte le vin qui est au fond des verres quand le repas est fini, & cent autres petites singeries qu’on lui prête pour nous faire rire ? Je ne le pense pas : je crois qu’on aura une idée bien plus juste de l’avare & bien plus capable de faire impression, quand on se le représentera comme un homme qui se laisse mourir de faim, & qui refuse la nourriture nécessaire à ses enfans & à ses domestiques ; comme un homme qui ne donneroit pas un écu pour racheter la vie à son voisin ; comme un homme enfin en qui l’amour de l’argent éteint toute humanité ; qui quoique très-riche refuse de marier & de donner des états à ses enfans ; qui fait tort à la société en accumulant des richesses qui devroient circuler.
Il le dit amoureux de la duchesse d’Aiguillon sa niece, & pere de plusieurs enfans. […] Il vaudroit mieux encore mettre entre les mains des enfans un recueil des contes sagement écrits. […] Les enfans ne se souviennent plus des fables, ils n’oublient point les contes, même dans un âge avancé on les cite, on les répete. […] On n’en voit point pour les enfans : celles d’Esope & de Phedre n’ont point été faites pour eux. […] Il en résulte que ces fables sont fort inutiles à l’éducation des enfans, qu’elles les amusent, sans leur rien apprendre ni former leur cœur à la vertu.