A peine a t-on été maître de la Corse, que le premier soin de ses conquérans a été d’y élever un théatre, & de faite annoncer dans les Gazettes, la nouvelle province ajoutée à l’empire de Thalie. […] On y a pensé très-sérieusement, point d’affaire plus importante ; aussi le théatre aura en Corse, la même époque que l’Empire François : ces deux Empires sont inséparables, l’Empire de la Réligion & de la vertu y aura-t-il la même datte ?
On sçait quelles furent les suites de cette corruption de mœurs que le luxe Asiatique avoit introduit dans l’Empire Romain. […] Voilà les deux genres de Citoyens qui préparerent & avancerent la ruine de ce vaste Empire qui embrassoit tant de Nations & tant de Royaumes ». […] Ainsi, ils s’épargnerent une privation, que, par la suite, les autres Provinces de l’Empire Romain éprouverent à cet égard. […] On les vit s’élever contre des Poëmes dont la perfection littéraire ne tendoit qu’à augmenter encore plus l’empire des vices ; c’est ce qui occasionna les écrits polémiques dont on va donner l’histoire. […] On verra qu’elles tendent toutes plus ou moins à favoriser l’empire de la volupté, & que les défenseurs des Théatres doivent succomber sous les armes de la raison & de la Religion.
Si le sentiment intérieur, & l’amour propre, luttant avec zèle contre l’empire des passions, sont l’unique source de la contradiction où nous sommes avec nous-même, on en peut conclure que la réforme établie au Théatre par les Comédiens, s’y seroit introduite d’elle-même, comme elle a fait dans la société. […] A peine le génie a brillé quelque tems, que l’esprit fonde un nouvel empire sur les débris du sien.
Tous les objets qui l’y environnent sont soumis à son empire absolu. […] Si l’empire du beau n’a de bornes que celles de la nature entiére, comment cinquante Poëtes que nous comptons tout au plus, en auroient-ils pu tarir les sources ?