J’ ai traité de tout ce qui concerne le Drame du nouveau Théâtre, comme Comédie ; je parlerai ailleurs de ce qui regarde la musique. […] Le commencement des Poèmes épiques est toujours simple ; celui des Drames modernes est d’une simplicité admirable. […] En général je vois encore plus de simplicité à l’entrée des Drames du nouveau Théâtre, qu’au début des plus célèbres Poèmes épiques. […] Enfin un dernier trait achèvera de prouver la ressemblance des Drames modernes avec les chefs-d’œuvres des Homère & des Virgile. […] Si les Dieux de la Fâble agissent dans l’Epopée, on les fait aussi intervenir dans les Drames bouffons.
Songez en écrivant un drame, n’importe pour quel Théâtre il soit destiné, que votre Ouvrage doit être vu par une grande partie du Royaume. […] Je fais une remarque ; je suis un des prémiers qui, en parlant des Drames, ait averti d’en bannir la licence. […] Voila ce qu’on appelle un éxcellent moyen de répandre de l’action dans un Drame. […] Je voudrais au moins qu’on mit un nom différent aux Drames qui nous sont inspirés par un Ouvrage licencieux, & malheureusement trop public. […] Tout conspire dans ces deux Drames à faire rougir la pudeur.
Les Hébreux occupés à conquérir, à reprendre, à dédaigner, à révérer, à fuir leur Religion, n’ont guères eu le tems de composer des Drames. […] En effet, tandis qu’Éschyle composait ses Drames sérieux, tandis qu’il jettait de nouveaux personnages dans les Chœurs, une foule d’Auteurs ajoutait divers ornemens aux Drames enjoués. […] Ils eurent honte de la rusticité de leurs Drames, & les polirent par dégrés. […] Je crois découvrir la raison qui fit réussir les Drames comiques à Rome, tandis que le sérieux ne jouissait que de faibles succes. […] Dans la fameuse cérémonie du Gui de chêne, on dansait, on chantait : en faut-il davantage pour faire appercevoir le germe caché du Drame ?
Je viens de jetter un coup d’œil général sur la musique des nouveaux Drames chantans, développons maintenant ce qu’éxigent leurs différentes parties musicales, afin de rendre mes observations plus utiles. […] Je suis tenté de comparer le Compositeur de la musique d’un Drame qui lui est étranger, à ces nourrices qu’on charge d’élever les enfans : ont-elles pour leurs nourrissons les mêmes soins, la même tendresse que si elles leur avaient donné le jour ? […] Nous sommes privés de l’avantage dont ils jouissaient ; nos Drames lyriques nous en font assez appercevoir, malgré les éfforts du savant Compositeur : car enfin il module des paroles, il èxprime les passions de Personnages qui ne lui sont point si familiers qu’à l’Auteur qui s’en occupa long-tems avant de les mettre sur la Scène. […] C’est de l’intime union du Poète & du Musicien que le Drame lyrique tirera toutes ses beautés.