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122. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre II. Discipline du Palais. » pp. 26-50

Aurélien en priva un autre, quoique son ami, pour avoir dansé aux noces de sa voisine, disant cela être indigne de la gravité de son état de s’être tant rabaissé. » Il serait à souhaiter qu’on fît une nouvelle édition de ce livre unique, devenu rare, en retranchant un petit nombre d’expressions surannées. […]  6. qu’un Magistrat devenu l’esclave de l’amour du spectacle, donne plus de temps et de soin à ces puérilités qu’aux affaires sérieuses dont il est chargé : « Absit ut Judex editionibus spectaculorum mancipatus plus ludicris curæ tribuat, quam seriis actibus. » La loi 2.  […] » Ce scandale public devient plus criminel et plus pernicieux par l’assiduité de la fréquentation, le goût décidé, les invitations à y venir, les éloges qu’on lui donne, etc., mais surtout par le caractère de ceux qui s’y montrent, gens en place faits pour édifier, gens graves et réguliers, dont la réputation y donne un nouveau poids, un père, une mère, un maître, qui en donne l’exemple à ses enfants, ses élèves, les y laisse aller, leur fournit de l’argent ; par le caractère de ceux à qui l’on tient, famille chrétienne, communauté régulière, corps respectable, fonctions publiques, profession distinguée, etc. […] Que devient donc cette rigoureuse discipline du Palais sur les spectacles, que nous faisons sonner si haut ? […] Ce furent plus de fêtes, de festins, d’aubades, de montres, de régiments, de compagnies, entre autres ils devinrent Comédiens et Poètes, composèrent et représentèrent des pièces de théâtre.

123. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre VII. De l’infamie canonique des Comédiens. » pp. 153-175

Dans l’Eglise latine, où le mariage est défendu au Clergé, ces lois subsistent encore plus sévères, puisqu’un homme qui aurait épousé une femme prostituée ou une Comédienne, ou leur fille (aux yeux des canons, comme aux yeux des lois, c’est la même chose), fût-il devenu veuf, ou fût-il séparé de sa femme, ne peut être admis aux ordres sacrés ni posséder des bénéfices : « Qui Meretricem duxit aut aliquam quæ sit mancipata spectaculis in consortio sacerdotali esse non potest. » Ce canon, pris du canon 17 des Apôtres, est rapporté par Yves de Chartres (P. […] 3.° A combien plus forte raison, si quelque Ecclésiastique déshonore la dignité de son état, jusqu’à se faire Comédien, il devient infâme et perd tout privilège clérical : « Cleri qui clericalis ordinis dignitati non modicum detrahentes, se joculatores seu gaillardos faciunt, aut buffones, ipso jure careant omni privilegio clericali. » (C. […] 4.° Quoique par un usage immémorial, devenu une espèce de loi, dont on ne se serait pas dispensé impunément, les grands Magistrats de l’Empire Romain, pour signaler leur entrée dans les charges, fussent obligés de donner des spectacles au peuple, l’Eglise ne le leur pardonnait pas, et si dans la suite, quittant le monde, ils voulaient entrer dans les ordres sacrés, ils étaient censés irréguliers, comme nous l’avons ci-dessus remarqué ; et si par la facilité des supérieurs, ils étaient admis aux saints ordres, fussent-ils élevés à l’Episcopat, eux et leurs consécrateurs étaient déposés, par l’ordre du Pape Innocent III, adressé au concile de Tolède : « Qui ordinati fuerint, cum suis ordinatoribus deponantur. » (Distinct. […] Gervais, Chantre de l’Opéra, ayant perdu sa première femme, et s’étant dégoûté d’une autre qu’il entretenait, devient amoureux de la Boon, appelée la belle Tourneuse, danseuse du théâtre de la Foire, la gagne et l’épouse. […] Il faut donc que celui de chaque paroisse où ils séjournent, devienne leur Pasteur pendant leur séjour, et puisse les épouser.

124. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

Les passions peuvent être tournées du côté du bien, et devenir des vertus ; tournées vers le mal, elles sont des vices ; appliquées à des choses indifférentes, pourquoi ne seraient-elles pas indifférentes ? […] Mais ce n'est que pour les vaincre encore, que l'on agace ces ennemis vaincus, comme dans un jeu d'escrime, pour en devenir d'autant plus courageux et plus fort, qu'on sera mieux aguerri et qu'on aura cueilli plus de palmes. […] On devient enfin ce que l'on voit avec tant de plaisir. […] Les choses saintes, dépourvues de cet éclat imposant, de ce sel piquant, de ces grâces séduisantes, en deviennent plus insipides. […] [NDE] Citation de Jean-Baptiste Rousseau, devenue proverbe.

125. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre III.  » pp. 68-96

L’artifice & le mensonge ne regnoient point, comme ils font dans ce siécle ; on n’avoit point encore vu des femmes qui ont trouvé le secret de devenir vieilles à vingt ans & de paroître jeunes à soixante, & qui moyennant trois ou quatre boëtes, l’une d’embanpoint, l’autre de fraîcheur, la troisiéme de vermillon fassent subsister leurs charmes comme elles peuvent. […] Ce conte est très-licencieux, l’imagination y est toujours fixée sur des nudités & des crimes, sous des idées de la plus belle personne du monde, des Nimphes charmantes de Venus, de l’amour devenu amant. […] D’abord il exorte fort pathétiquement les Dames d’avoir grand soin de leur beauté, par l’exemple touchant d’un arbre qu’on greffe, qui en porte de meilleur fruit ; d’un champ qu’on laboure, & qui en devient plus fertile, d’un plancher qu’on pave de marbre, & qui est plus beau, plus poli. […] Les sauvages qui sont à demi nuds, se barbouillent tout le corps, & pour la mieux conserver, ils ne se contentent pas de l’appliquer sur la peau, ou de s’en faire un enduit, en se recrépissant, comme avec de la chaux & du plâtre ; ils en pénétrent la chair, l’opération est douloureuse ; ils tracent toutes sortes de figures bisarres de serpens, d’oiseaux, de fleurs, d’armes, &c. qui font horreur ; ils se piquent tout le long de cette figure avec une aiguille, en mille & mille endroits, & répandent sur toutes ces piqures une liqueur noire, rouge, bleue, &c. de leur composition, qui s’imbibe dans la chair, & devient inéfaçable. […] Se farder c’est vouloir imposer, vouloir se donner pour ce qu’on n’est pas ; c’est un vrai mensonge d’action, si les femmes ne vouloient que se plaire à elles-mêmes, & s’embellir à leurs propres yeux, permis à elles de suivre leur goût, dans le choix de leur ajustement, & de leur parure ; mais si c’est pour plaire aux hommes qu’elles se fardent, & s’enluluminent ; j’ai recueilli les voix, & je leur prononce, de la part de tous les hommes, que le blanc & le rouge les rend affreuses & dégoutantes, les vieillissent & les déguisent ; qu’ils haissent autant de les voir avec de la ceruse sur le visage, qu’avec des dents à la bouche, & des boules de cire, qu’ils protestent sérieusement contre tout l’artifice dont elles usent pour se rendre laides, & qu’il semble que Dieu leur réserve ce dernier & infaillible moyen de les guerir des femmes ; si elles étoient telles naturellement, qu’elles le deviennent par artifice, que leur visage fût aussi allumé, & plombé, qu’il le devient par la peinture, elles seroient inconsolables ; elles sont assez foles pour le conserver dans la vieillesse.

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