Comme le Peuple le faisoit jouer souvent, & quelquefois lui faisoit repéter les mêmes choses, il s’enroua, & & demanda la permission de faire chanter à sa place un homme qui se tiendroit auprès du Joueur de Flute. […] Comme ils étoient Esclaves, la récompense que le Peuple demandoit quelquefois pour eux, étoit la liberté : ce qui ne les empêchoit pas de continuer à représenter. […] Outre cela le Peuple interrompoit tout à coup une Piéce, & demandoit à voir des Baladins, des Danseurs de Corde, des Animaux. […] D’ailleurs il y a apparence que les grands Poëtes n’étoient pas tentés d’exposer leur gloire sur le Théâtre, parce qu’ils connoissoient le mauvais goût des Spectateurs, qui étoient capables d’interrompre une Piéce pour demander à voir des Ours, des Eléphans, des Danseurs de Corde.
C'est une grande faute de jugement, que de demander partout le même caractère et le même air : et c’est avec beaucoup de raison que l’auteur des Hérésies imaginaires, bien loin de « vouloir attraper ce genre d’écrire », comme vous lui reprochez à perte de vue, a pris une manière plus grave et plus sérieuse. […] Il est vrai, car j’ai eu soin de m’en informer, que deux Capucins, dont l’un était parent de M. de Bagnols, vinrent un jour à Port-Royal demander l’hospitalité. On en donna avis à la mère Angélique : et comme on lui demanda si l’on ne leur ferait point quelque réception extraordinaire à cause de M. de Bagnols ; elle répondit qu’on ne devait rien ajouter pour cela à la manière dont on avait accoutumé de recevoir les religieux, et que M. de Bagnols ne voulait point qu’en sa considération on changeât, même dans les moindres choses, les pratiques du monastère. […] Y a-t-il rien de plus naturel que cette demande qui sort de la plénitude de votre cœur ?
Il y a non seulement des farces indifférentes, mais honnêtes ; et si on demande combien il y a de Comédies honnêtes, on peut répondre qu’il y en a autant que d’actions honnêtes parmi les hommes : que si ce qui suit la Comédie peut être plus proprement appelé le tableau des actions humaines, si par hasard on y représente quelque chose qui choque la modestie, combien les actions en effet sont-elles plus odieuses, dont les Comédies ne sont que le tableau ? […] Au reste GUILLOT-GORJU demande s’il y a lieu au monde d’où on sorte plus content ? Aussi ceux qui tiennent l’affirmative n’ont pu persuader leur opinion qu’à quelques intéressés, qui dans la foule ou les brouilleries ont perdu le castor, et quelquefois la pane, mais les Comédiens en sont les plus fâchés, car ils savent bien que ces gens après des pertes si sensibles ne viennent de deux ans à la Comédie ni à l’Hôtel de Bourgogne, dont l’approche leur a été si funeste : et il est aussi rare maintenant que les éclipses qu’on y laisse autre chose que l’argent qu’on demande à la porte.
Il faut laisser à décider ces sortes d’affaires dans le confessionnal, et ne pas les abandonner au jugement d’une infinité de personnes, qui se prévalent de tout, et qui ne sont pas assez sages pour s’arrêter à ce qu’il y a de juste et de permis dans une opinion indulgente, et pour observer toute la modération que l’Auteur demande.