Il est vrai que les décorations multipliées détruisent nécessairement l’unité de lieu, si recommandée par la raison & la vraisemblance.
L’homme est entièrement perverti depuis le péché, les mauvais exemples lui plaisent plus que les bons, parce qu’ils sont plus conformes à son humeur ; quand on lui représente sur le Théâtre le Vice avec ses laideurs et la Vertu avec ses beautés, il a bien plus d’inclination pour celui-là que pour celle-ci : Et comme les Poètes ne sont pas exempts de ce désordre qui n’épargne aucune personne, ils expriment beaucoup mieux les passions violentes que les modérées, les injustes que les raisonnables, et les criminelles que les innocentes : Si bien que contre leur intention même ils favorisent le péché qu’ils veulent détruire, et ils lui prêtent des armes pour combattre la Vertu qu’ils veulent défendre.
Je dois même convenir, que cette erreur a esté suffisamment détruite par les sçavants Ecrits qui ont parû ; & je n’aurois pas entrepris d’y rien ajoûter, si je n’avois crû que toutes les fois que l’Eglise se trouve attaquée, elle engage dans sa défense ses Prédicateurs comme ses Ecrivains : y ayant une difference notable entre la parole écrite & la parole animée ; entre une Dissertation, & un Sermon ; & si d’ailleurs mon zele n’estoit honoré de l’approbation du Prélat illustre M. de Harlay, Arch. de Paris. […] Il y détruit avec une force invincible les fausses raisons dont on se servoit, pour justifier une pratique si criminelle. […] S’il n’est pas mieux de dire, qu’elle subsistera éternellement pour faire son plus cruel supplice, après que le Sauveur triomphant aura détruit tout empire, toute domination, & toute puissance,1. […] Cependant, les Peres n’ont pas laissé d’interdire ces sortes de spectacles ; ou parce qu’on y faisoit des cris extravagants & immoderez ; ou parce qu’on s’y échauffoit trop facilement pour les partis ; ou parce qu’on y apprenoit à devenir cruel, & qu’on l’estoit en effet en devorant des yeux les hommes que les bêtes devoroient par leur bouche : ou par la raison générale, que ces objets excitoient les passions, au lieu que toute l’étude de la Religion est de les combattre, de les affoiblir, & du moins de les regler, puisqu’elle ne sçauroit les détruire.
Nous étions assez occupés à ramener les Hérétiques, à détruire leurs erreurs et leurs préventions, à corriger les vices et les faiblesses ordinaires des hommes : on n’avait guère vu de théâtre dressé dans cette Ville ; l’art de corrompre les cœurs par des chants et par des spectacles, n’y était pas encore introduit.