Mais Saint Paul, après avoir pris la plaisanterie sous la plus belle apparence, et l’avoir nommée de son plus beau nom, la range parmi les vices : non qu’il soit peut-être entièrement défendu d’être quelquefois plaisant ; mais c’est qu’il est malhonnête de l’être toujours, et comme de profession. […] qui défend « la parole oiseuse ou inutile ».
POur qu’une chose puisse être regardée comme indifférente en elle-même, il faut, Messieurs, en premier lieu, qu’elle ne soit défendue par aucune loi ; secondement qu’on puisse, en lui donnant un motif honnête, la déterminer à quelque espece de vertu. […] Si aucune loi ne les défend ; 2°. […] Une loi qui défende les spectacles ! […] Non, répond ce Docteur, ils n’y sont pas expressément nommés ; mais toute l’Ecriture ne tend-elle pas à les défendre ? […] Mais, Messieurs, vous tournerez, vous ornerez en vain la passion ; c’est toujours cette malheureuse concupiscence, que Saint Jean défend de rendre aimable, puisqu’il défend de l’aimer ; c’est toujours cette concupiscence, qui enflammée une fois ne souffre jamais ou presque jamais de regle.
On voyoit dans les amphitheâtres, des hommes combattre contre des Lions, des Ours, & des Taureaux, dont ils étoient souvent inhumainement déchirez, pendant que le peuple se recrioit aux tours d’adresse, que ces miserables victimes faisoient, pour se défendre des grifes, & des dens de ces animaux furieux : & l’un des plus ordinaires plaisirs de ce temps-là, étoit de voir des Gladiateurs à outrance, qui exposoient leur vie, ou bien des Esclaves, qu’on sacrifioit à ce divertissement inhumain. […] Je pretends donc satisfaire suffisamment à vôtre demande, en vous répondant que c’est peché, & même peché mortel à l’égard de plusieurs ; & puisque c’est des circonstances que dépend la décision que vous me pressez de vous donner, sur une chose qui vous tient au cœur ; je vous donne trois ou quatre regles, par lesquelles vous conclurez vous-mêmes, à quels spectacles il vous est défendu de vous trouver, & quelles sont les personnes qui ne peuvent s’y trouver, sans commettre un grand peché. […] Mais enfin, il me semble que j’entends quelqu’un qui me dit, que toutes ces raisons ne le regardent point, qu’il se connoît assez pour ne point apprehender les mauvaises impressions que cela peut faire, qu’il luy reste encore assez de temps aprés avoir vaqué à ses devoirs & à ses affaires, pour le donner à quelque divertissement, & qu’il n’est pas d’un rang si distingué, que son exemple puisse authoriser les desordres que les autres y peuvent commettre ; & pourquoy donc, dira-t-il, m’interdire un divertissement que nous ne voyons pas défendu par les Lois ni divines, ni humaines ? […] Ne me dites point, que vôtre âge, vôtre profession & vôtre état vous mettent à couvert de ce danger ; car cela même est le plus dangereux écueïl où vous puissiez donner, de croire, contre le sentiment de tous les Saints, & contre l’experience de tous les hommes ; que vous n’avez rien à craindre des surprises d’une passion, que les Solitaires mêmes, aprés avoir blanchi dans les austeritez de la penitence, ont crû si redoutable, & qui n’ont pû trouver d’autre moyen de s’en défendre, que la fuite des occasions, & des objets capables de l’exciter. […] qu’il y a des objets qui peuvent frapper si vivement nos sens, & faire telle impression sur nôtre esprit, qu’on a besoin des plus puissans secours de la grace pour s’en défendre ?
Toute la religion s’élève contre cette indécence ; elle condamne la vanité & la mollesse, défend l’impureté, déteste le scandale, en interdit les occasions ; elle prêche l’humilité, la charité, la mortification ; elle ne veut plaire qu’à Dieu, être la bonne odeur de Notre-Seigneur, & respecter sa présence ; elle méprise la beauté du corps, les pompes du monde, les flatteries du libertinage. […] Vous courez de maison en maison, vous vous montrez dans les promenades, au bal, à l’Eglise, vous montez sur le théatre, vous vous offrez à tous les yeux, & vous nous croyez assez dupe pour admirer en vous une vestale qui ne cherche qu’à se défendre des téméraires aggresseurs. […] Elles attaquent, elles se défendent ; c’est un combat réglé. Mais non, elles ne se défendent pas ; si elles en font un moment le semblant, ce n’est que pour mieux animer le combat, & être plus agréablement vaincues & mieux payées. […] On défendoit aux anciens athlètes de porter des habits, pour éviter toute supercherie, & ne rien laisser qu’à la vigueur & à l’adresse : l’artifice & le grand avantage des nouveaux athletes est de s’en dépouiller, contre toutes les loix qui le leur défendent.