Je n’en dirai pas d’avantage, parce que si je voulais expliquer les raisons qui me forcent à rejeter l’Ecole des Maris, je serais obligé de rappeller les endroits les plus dangereux de cette Pièce ; et je ne crois pas qu’il me convienne de faire revivre des idées que je condamne. Quand la critique ne roule que sur l’art ou sur l’esprit d’un Auteur, il est juste de la modifier ; mais quand elle regarde les mœurs, je crois qu’on ne saurait trop tôt se taire ; j’ai loué Molière autrefois en parlant de cette Pièce16, et je conviens qu’il mérite toute sorte de louange par rapport au génie et à l’art qu’il y a mis ; mais pour ce qui regarde les mœurs, loin de l’approuver je suis au contraire persuadé que ses plus grands partisans (parmi lesquels j’ose me compter, d’autant plus que je l’ai étudié à fond) je suis persuadé, dis-je, que ses plus grands partisans pensent comme moi de l’Ecole des Maris, et la banniraient, comme je fais, du Théâtre de la réforme. […] Je crois l’avoir déja remarqué, toutes les fois que Molière a été inventeur ses Pièces ont été correctes, mais quand il a voulu copier, il s’est trop assujetti à ses modèles : Qu’il me soit permis d’ajouter que si Boccace en ce cas mérite d’être blâmé, Molière n’en est pas plus excusable d’avoir tiré de cet Auteur Italien le sujet d’une Comédie si scandaleuse.
Qui sait mieux que moi ce que je crois ou ne crois pas, et à qui doit-on s’en rapporter là-dessus plutôt qu’à moi-même ? […] Moi qui ne me pique pas de les connaître, j’en crois voir qui leur ont échappé. […] Pourquoi l’un des sexes se ferait-il un crime de ce que l’autre se croit permis ? […] Je ne crois pas que nulle autre aussi petite ville au monde offre un pareil spectacle. […] Quant à moi, je crois la démonstration sans réplique.
C harles XII & Auguste II, ces deux célebres ennemis, qui ont joué des rôles si extraordinaires sur la scène du monde, croient d’un caractere tout opposé. […] On croit voir un de ces Chrétiens dont parle. […] Mais qui le croiroit ? […] Voltaire avoue que cette cérémonie est bizarre ; mais il la croit nécessaire, & qu’elle étoit utile pour le peuple Russe. Il faut donc que le peuple Russe soit stupide, & que son Empereur le croie, pour l’amuser par des farces qui n’amuseroit pas le Théatre de la Foire.
Pour devancer les autres comme il a fait, il s’est cru obligé de prendre une autre route qu’eux. […] Car pour la galanterie criminelle, l’envie, la fourberie, l’avarice, la vanité, & les autres crimes semblables ; il ne faut pas croire, selon l’observation du même Auteur, qu’elles leur ayent fait beaucoup de mal. […] Les Comédiens & les Bouffons publics sont des personnes décriées de tout tems, & que l’Eglise même par voie de droit considére comme retranchées de son corps, parce qu’elle ne les croit jamais dans l’innocence. Mais quand Moliere auroit été innocent jusqu’alors n’auroit-il pas cessé de l’être dès qu’il eut la présomption de croire que Dieu vouloit bien se servir de lui pour corriger un vice répandu par toute l’Eglise, & dont la réformation n’est peut-être pas même reservée à des Conciles entiers ? […] On croit que Moliére a depuis changé Panulphe en Tartuffe, par rapport à Montufar, imposteur ainsi nommé dans une Nouvelle que Scarron a tirée de l’Espagnol, & qu’il a intitulée les Hypocrites.