Les craintes inspirées, les exemples de punitions donnés confusément aux vicieux par le théâtre ne sauraient être aussi efficaces que les exemples de celles, bien autrement sensibles, donnés continuellement par la justice aux fripons et aux voleurs, qui cependant fourmillent toujours partout ; ce qui doit achever de persuader combien sont illusoires aujourd’hui les moralités théâtrales dont on fait le plus solide argument en faveur de l’exposition honteuse des crimes ; des iniquités, des égarements inouïs, de toutes les faiblesses humaines existantes et possibles. […] Et dans le même temps on disait contre à peu près aussi ce que disent les modernes contradicteurs, tout en rendant justice à l’art et aux talents de nos bons auteurs : que le recueil de ces ouvrages ne contient que des peintures dangereuses des passions les plus entraînantes, que des tableaux corrupteurs ; qu’on y voit l’intérêt sollicité le plus souvent en faveur du crime ; une plaisanterie perfide faisant naître le rire au lieu d’exciter l’indignation ; travestissant les vices en défauts brillants, les travers en agréments, les conventions théâtrales excluant la vraisemblance, le caprice des auteurs dénaturant les faits et les caractères ; des sentiments outrés, des mœurs postiches et des maximes bonnes pour amollir les cœurs et égarer l’imagination.
En effet, il y a une infinité de crimes dans chaque espèce dont la défense ne se trouve pas dans l’Écriture ; comme il y a des bonnes œuvres sans nombre, auxquelles les Chrétiens peuvent être obligés dans les rencontres soit par rapport à Dieu, soit par rapport au prochain, dont le précepte ne se trouve en termes formels ni dans l’Ancien, ni dans le Nouveau Testament. […] Je ne m’étonne pas qu’alors il se soit trouvé des Saints, qui pour quelque temps aient laissé passer la Comédie, qu’ils ne connaissaient que sur le rapport des gens qui ne leur en faisaient pas des descriptions fort désavantageuses : Je ne m’étonne pas, dis-je, qu’il y ait eu des grands hommes qui aient alors trouvé ces amusements exempts de crime, et qui leur aient même donné une espece d’approbation, comme il est arrivé à la plupart des Saints que l’Auteur de l’Écrit réclame, quoiqu’ils soient en petit nombre. […] Mais si vous ni moi ne pouvons rendre un jour compte à Dieu des paroles inutiles que nous aurons proferées ; sera-ce vous qui les garantirez à son Tribunal si terrible, de toutes les paroles profanes qu’ils auront prononcées ; des soupirs tendres et passionnés qu’ils auront poussés ; des passions qu’ils auront allumées, des Fêtes qu’ils auront profanées ; des crimes qu’ils auront fait commettre ? […] faut éviter sur toutes choses le scandale qui arriverait, si on portait le saint Viatique à ceux qui en sont indignes, comme sont les Usuriers publics, les Concubinaires, les Comédiens, ceux dont les crimes sont publics, ou qui sont excommuniés, ou dénoncés par leur nom ; s’ils ne se sont auparavant purgés par la Confession Générale, et s’ils n’ont satisfait à l’injure publique, comme il est de droit. […] Enfin ce jeu n’a qu’une malice successive ; c’est-à-dire, qu’il commence ordinairement par quelque chose de si léger, qu’on ne peut pas toujours l’accuser de crime.
elle nous affecte par la peinture frappante qu’elle fait des grands crimes, & par l’horreur qu’elle nous en donne.
Et quand il laisse ces crimes impunis ; c’est alors qu’il les punit plus sévèrement.