Dans une Monarchie le peuple a déposé tous ses droits dans les mains d’un seul, il lui a remis toute l’autorité nécessaire pour la conduite des affaires, et ne lui a donné d’autre juge que sa conscience. […] Les sujets liés par le serment d’obéissance et de fidélité, ne pouvant porter d’avis sur sa conduite, dont ils ignorent le principe parce qu’ils ne sont point au fait des affaires, qu’ils en ont perdu le fil, ne pourraient raisonner qu’en aveugles, ils ne peuvent donc donner aucun avis ni faire aucun reproche. […] Si un Auteur Dramatique choqué de la tiédeur des Français sur la conduite du Ministère, voulait réformer leurs mœurs à cet égard, s’il parvenait à les rendre des Citoyens plus chauds, il pourrait arriver qu’il les rendrait en même temps turbulents, indociles, présomptueux, et ces ardents Citoyens abusant d’un excellent motif ne se seraient corrigés d’un défaut que pour en contracter d’autres très préjudiciables à leur bonheur particulier, et à celui de l’Etat en général. […] Le Public est si sot à leur avis, que sa conduite et son goût ne peuvent jamais leur tenir lieu de démonstration. […] Le moindre solécisme en parlant vous irrite ; Mais vous en faites, vous, d’étranges en conduite.
Il est bon pour la tranquilité publique & le maintien de la subordination, que la conduite des princes demeure couverte de nuages. […] Le roi de Prusse a fait un livre contre Machiavel, & le justifie par sa conduite ; ses guerres sont la réponse à les écrits : ce livre vivant est lui-même un trait de Machiavélisme. […] Il ne fait que développer, lier méthodiquement sous de grands noms, appuyer de brillans exemples, appliquer à de grands objets la conduite journaliere des malhonnêtes gens de tous états, dans ce qui les intéresse, c’est l’injustice réduite en art.
Il faut en convenir, puisqu’il est vrai, la seule raison d’une conduite si peu conséquente, c’est que tout ce qui attaque et détruirait, s’il était possible, la pureté de la Religion, nous fait bien moins de sensation, que ce qui tendrait à troubler notre tranquillité et notre repos, dont nous sommes tout autrement affectés. […] La preuve en est sensible quand on compare cette condamnable conduite, avec celle de ces âmes pures qui font notre consolation : de ces âmes qui ne rougissent point de faire le bien devant le Seigneur, et qui n’ont jamais fléchi le genou devant Baal. […] Il traite Molière d’Auteur pernicieux, lequel, dit-il, ne tend qu’à concilier du crédit et de l’autorité au crime, en décriant ceux qui s’y opposent, ou en apprenant aux jeunes gens l’art de tromper des parents chargés de leur conduite.
De-là il passe aux Pièces de Racine, & sa plume, conduite par le discernement & l’équité, en relève les défauts avec justesse & en fait sentir les beautés avec intérêt.