L’Evangile est pour toutes les conditions et pour tous les états ; mais ce n’est ni en suivant le torrent du siècle, ni en se conformant à ses maximes, qu’on peut arriver au Royaume des Cieux.
Le peu de reflexion qu’on a fait jusqu’icy sur le merite & sur l’étenduë d’un si beau divertissement, a fait abandonner ce soin à Messieurs les Violons, & en a soustrait l’intelligence & la dexterité aux personnes de Condition. […] Ces belles qualitez passent pour des deffauts, pour des talens estrangers, & pour des objets ridicules dans un homme de condition.
Je pourrais encore soutenir cela par la première condition à laquelle le Docteur Angélique soumet les divertissements, qui est de convenir aux personnes ; et j’aurais cent excellents passages des Pères pour montrer que jamais les Spectacles, même ceux qui paraissent les plus épurés, ne peuvent convenir aux Chrétiens : mais notre Écrivain ne veut pas reconnaître ici leur autorité ; il ne s’accommode pas même de celle de l’Apôtre,Ephes. 5. […] Pour concevoir donc comment il a pu tolérer dans sa Philothée une chose si éloignée du but où il a dessein de la faire arriver ; il faut savoir que son intention étant de détacher doucement les âmes les plus liées au monde, et les moins capables de ces grands efforts nécessaires pour des conversions subites et éclatantes ; il les prend dans le plus bas état où elles puissent être, sans s’épouvanter de leur indisposition : Et dans le dessein de les faire mourir à elles-mêmes, il les attire par une sagesse et une charité cachée sous une indulgence apparente : il regarde les plaisirs du monde dans une idée métaphysique, qui les sépare des désordres principaux ; et néanmoins aprés cela, il n’en accorde l’usage que sous certaines conditions qu’on ne saurait garder fidèlement sans renoncer bientôt à tous ces plaisirs, qui est justement le but où il tend.
De ce principe il suit encore que le tribunal doit être plus ou moins redouté dans les diverses conditions, à proportion qu’elles ont plus ou moins d’honneur à perdre, selon les idées vulgaires qu’il faut toujours prendre ici pour règles. […] Dans tout état, dans tout pays, dans toute condition, les deux sexes ont entre eux une liaison si forte et si naturelle que les mœurs de l’un décident toujours de celles de l’autre. […] Les liaisons devenant plus faciles, les mariages seraient plus fréquents ; ces mariages, moins circonscrits par les mêmes conditions, préviendraient les partis, tempéreraient l’excessive inégalité, maintiendraient mieux le corps du Peuple dans l’esprit de sa constitution ; ces bals ainsi dirigés ressembleraient moins à un spectacle public qu’à l’assemblée d’une grande famille, et du sein de la joie et des plaisirs naîtraient la conservation, la concorde, et la prospérité de la République65. […] [NDA] Il ne suffit pas que le peuple ait du pain et vive dans sa condition. […] Par exemple, les pièce s de Théâtre n’ont rien de mauvais en tant qu’on y trouve une peinture des caractères et des actions des hommes, où l’on pourrait même donner des leçons agréables et utiles pour toutes les conditions ; mais si l’on y débite une morale relâchée, si les personnes qui exercent cette profession mènent une vie licencieuse et servent à corrompre les autres, si de tels spectacles entretiennent la vanité, la fainéantise, le luxe, l’impudicité, il est visible alors que la chose tourne en abus, et qu’a moins qu’on ne trouve le moyen de corriger ces abus ou de s’en garantir, il vaut mieux renoncer à cette sorte d’amusement. » J.