Moivre étoit si enthousiasmé de Moliere, qu’il le savoit tout par cœur, & en récitoit des scènes entieres avec le même goût qu’il les avoit entendues & récitées soixante-dix ans auparavant : car il mourut fort vieux. […] Il est vrai qu’il faisoit le même honneur à Rabelais, dont il avoit aussi appris par cœur le Pantagruel, & en récitoit des chapitres entiers. […] Il n’est point de qualité théatrale qu’il ne trouve à sa maîtresse : finesse de jeu, ton plaisant, malin souris, graces, beauté, il est dans l’enchantement ; surpris à l’excès que, dans un âge si tendre, sans autre maître que son esprit & son cœur, sans avoir aucune teinture de la scène, elle ait porté la perfection dramatique à un degré que l’art le plus accompli n’auroit pu lui apprendre . […] Moncrif étoit un homme aimable par les agrémens de la figure, la bonté de son cœur, la douceur de son caractere. […] Dieu voit avec bonté cette simplicité, cette effusion de cœur, mais ne le reçoit pas comme un culte.
De cette passion la sensible peinture Est pour aller au cœur la route la plus sûre. » (Boil.) […] Il eût pu faire des volumes : les histoires sont pleines des délires des hommes ; on en voit tous les jours ; et sans sortir de sa famille et de son cœur, chacun pourrait faire une collection considérable. […] Sans doute rien n’offre à l’esprit, au cœur, à l’imagination, des traits plus sublimes, des sentiments plus touchants, des spectacles plus merveilleux, que l’histoire Sainte ; mais comme la magnificence des palais des Princes n’est pas faite pour réjouir la populace, la magnificence de la divine parole est encore moins faite pour amuser les pécheurs. […] Qu’ils peignent toutes les passions, à la bonne heure ; ils les sentent, ils y sont livrés, leur cœur en est le premier théâtre, de l’abondance du cœur la bouche parle, la nature agit et tient le pinceau ; les intrigues, les galanteries font tout le tissu de leur vie ; ils font sur la scène ce qu’ils font ailleurs.
Ils s’imaginent que tout ce qu’on leur expose est à retenir : ils agissent en conséquence, lorsqu’ils jouissent de leur liberté, et les voilà corrompus dans le cœur et l’esprit pour tout le reste de leur vie.
Mais laissons ces horreurs qui ne sont pas si rares : elles sont trop affligeantes pour un cœur chrétien. […] Le vrai Machiavélisme est dans le cabinet des princes & dans le cœur des ambitieux, comme le vrai théatre est dans la lubricité des libertins. […] Ce qu’on a trouvé en fouillant est un autel de Vénus, qu’on plaçoit au milieu du théatre avec sa statue, afin que les spectateurs eussent toujours devant les yeux l’objet le plus infâme, pour en repaître leur cœur dépravé.