Il suffirait de nourrir les passions, et surtout l’impureté, pour détruire la religion dans les cœurs. […] Il fait encore après sa mort le même ravage dans le cœur de ses acteurs, qu’il avait fait pendant sa vie dans celui de ses spectateurs. […] Un Chrétien peut s’étudier à se montrer athée, impie, hérétique de gaieté de cœur ! […] comment au contraire peut-il jouer un rôle pieux, et faire des actes de religion que son cœur désavoue ? […] Un spectacle si monstrueux remplit l’esprit et le cœur d’idées et de sentiments qui ébranlent toute religion.
A la signore Isabelle MON CŒUR, MA CHERE DAME, Je ne vous dois point écrire vu la diversité de nos écrits : les miens sont comme l’ouvrage de ces petits enfants d’Homère, qui laissent couvrir de poussière ce qu’ils ont formé du limon de la terre ; et les vôtres tous divins reluisent d’une grâce céleste, qui ne termine leur fin qu’en celle de l’éternité. […] Ainsi en ces vives couleurs vous faites briller l’éclat, le pourpre étincelant, et l’émail des vôtres, et entre mille belles fictions sentez un aise véritable de dire la vérité, qui citoyenne du ciel ne permet qu’aux Déesses la jouissance de sa conversation : Le souvenir du bonheur de la vôtre me tire ces paroles du cœur, Que je suis ravie en l’admiration des perfections, qui vous ont aussi dignement acquis mon esprit, que l’affection dont je vous veux honorer et servir, et ne me laisser non plus égaler en ce désir, que vous aux vertus qui vous élèvent au trône de la gloire, que je loue par mon silence, puisqu’il faut que le pauvre Aristée se taise lorsque le grand Apollon commence à chanter.
Si vous êtes un jeune homme, vous regardez et convoitez les filles, vous allumez en votre cœur un feu infernal et diabolique qui vous porte à des actions honteuses et dénaturées ; vous dites des paroles dissolues ou à double entente, des paroles de moquerie ou de mépris du prochain, qui sont des sources de querelles, de duels, de dissensions et d’inimitiés immortelles. […] Souvenez-vous que Jésus dit en l’Evangile, que celui qui regardera une femme en la convoitant a commis l’adultère en son cœur, et que Tertullien ajoute : Regarder et vouloir être regardée, convoiter ou se plaire d’être convoitée, c’est un même genre de péché : Videre et videri velle, est ejusdem libidinis.
Ils se retranchent sur la droiture d’intention, la pureté du cœur, l’insensibilité stoïque des acteurs & des spectateurs, qui n’y sentent aucune passion, & n’y trouvent qu’un amusement innocent. […] Est-ce là connoître le cœur humain ? […] Les discours, les regards, les lectures, les maintiens découvrent la nudité, décelent la corruption : le cœur s’exale par les yeux, les levres, les oreilles, la plume ; tout parle de son abondance, tout retrace sa phisionomie & ses traits. […] Que ce soit son cœur ou celui d’un autre, que l’actrice fasse parler, c’est toujours un cœur corrompu qui se déploie. […] Ces lâches flatteurs dont les discours empoisonnés répendent un venin mortel dans le cœur des Princes, s’écrierent ce n’est pas un homme mais un Dieu qui parle.