Les Psaltérions, les Trompettes, les Flûtes, et les Harpes ont chanté Dieu et non point une Idole.
Les suites de Melpomene & de Thalie se joignent à elles, dansent, sautent, forment des marches, des danses, des divertissemens imités des comédies de Moliere, du Bourgeois Gentilhomme, du Malade Imaginaire, de la Princesse d’Elide ; tout ce bruit est terminé par des couplets qu’on recite & qu’on chante à l’honneur du demi-Dieu, placé dans le Ciel, c’est à-dire, du buste sur son pied d’estal. […] & d’être informé d’un pas de trois, dansé à Vienne, d’une ariette chantée à Berlin, d’une décoration de Madrid, & c. il en est ainsi des établissemens dramatiques, il s’en fait de tous côtés ; en France, théatres publics, théatres de société, salles de spectacles, coliesées, vauxhal, académie de danse, académie de musique, salles de Bal, manufactures de fard, troupes d’acteurs, lottereis d’amateurs, sociétés d’actionnaires, imprimeurs, colporteurs, libraire de comédie, peinture, décoration, & c. enfin, il vient de se former, ce qu’on n’avoit jamais vu encore, une académie de Pactes-comiques, dont l’unique étude, l’unique emploi est d’examiner & de composer des comédies ; ils s’assemblent chaque semaine pour cet unique objet ; ils ont avoir des lettres-patentes, tous les Parlemens les attendent avec impatience, pour les enrégistrer avec honneur, la souscription est ouverte pour établir des couronnes en faveur de la meilleure piéce, & tous les papiers publics sont gagés pour l’annoncer.
Je ne puis lui citer qu’Horace pour le confondre, que nos auteurs doivent avoir toujours devant les yeux : « que dans les actes (dit ce grand homme, Art Poétique,) le cœur joue le rolle d’un Acteur, & fasse les fonctions d’un seul personnage, & que dans les intermèdes il ne chante rien qui ne convienne au sujet, & qui ne lui soit naturellement lié ; qu’il protège toujours les gens de bien ; qu’il soûtienne les intérêts de ses amis ; qu’il tâche d’appaiser ceux qui sont irrités ; qu’il aime ceux qui ont en horreur le crime ; qu’il vante les mets d’une table où règne la sobriété ; qu’il loue la justice si salutaire aux hommes ; qu’il chante la tranquillité & la sûreté qui accompagnent toujours la paix ; qu’il garde inviolablement les secrets qu’on lui a confiés, & qu’il prie les Dieux que la fortune abandonne les méchans, & revienne remplir les desirs des justes. » Cet avis salutaire doit servir de guide à tout Poète ; il prouve en même tems que la Comédie fut instituée pour faire aimer les Vertus. […] « suivait celle des Hommes qui chantaient à leur tour en frappant de leurs armes en cadence. […] Il faut un Homère pour chanter les Immortels.
La Comédie d’aujourd’hui n’est autre chose qu’un Spectacle pompeux disposé pour le plaisir, où des Acteurs et des Actrices paraissent avec des ajustements mondains et peu modestes, où l’on chante et où l’on danse, où l’on exprime les sentiments tantôt d’une manière tendre et tantôt d’une manière fougueuse, suivant les passions différentes qui les animent, où les passions se poussent d’ordinaire à l’excès, et que l’on tâche néanmoins quelquefois de déguiser sous les livrées de la vertu. […] « Saint Cyprien, dit le Docteur, en parlant de David qui dansa devant l’Arche, au son des tambours, des flûtes et des autres instruments, avoue que ce n’est point un mal de danser et de chanter ; mais il prétend que cela n’excuse point les Chrétiens qui assistent à des danses lascives et à des chants impurs, qui font retentir les louanges des idoles. […] Il erre dans le fait, puisque saint Cyprien en parlant de la danse de David, n’a jamais dit, « Que ce ne fut point un mal de danser et de chanter ». […] Que plusieurs Religieux et gens de dévotion étaient à même heure devant Dieu, chantaient ses louanges et contemplaient sa beauté.