Mais la punition d’un oppresseur n’opère point le Tragique : Mithridate ne me cause point de pitié, non plus qu’Athalie & Aman, ni Pyrrhus.
Je pourrais, Messieurs, vous faire le même compliment que vous me faites, je pourrais vous dire qu’on vous fait beaucoup d’honneur de vous répondre ; mais j’ai une plus haute idée de tout ce qui sort de Port-Royal, et je me tiens au contraire fort honoré d’entretenir quelque commerce avec ceux qui approchent de si grands hommes… Toute la grâce que je vous demande, c’est qu’il me soit permis de vous répondre en même temps à tous deux, car quoique vos Lettres soient écrites d’une manière bien différente, il suffit que vous combattiez pour la même cause, je n’ai point d’égard à l’inégalité de vos humeurs, et je ferais conscience de séparer deux Jansénistes. — Aussi bien je vois que vous me reprochez à peu près les mêmes crimes, toute la différence qu’il y a, c’est que l’un me les reproche avec chagrin, et tâche partout d’émouvoir la pitié, et l’indignation de ses Lecteurs, au lieu que l’autre s’est chargé de les réjouirb.
Mais en voyant des hommes, allier par un mélange monstrueux, aux emportemens d’une ame injuste, des qualités brillantes, on se forme plus aisément l’habitude de séparer la cause primitive, des forces qu’elle fait mouvoir ; on juge non les moyens employés, mais l’intention. […] J’ose même ajouter que la justice est une, & que dans toutes les causes soumises à la décision du peuple Romain, il étoit d’une certitude absolue qu’une des parties avoit tort ; cependant celle qui soutenoit une prétention injuste, trouvoit un Patron qui se chargeoit de défendre la légitimité de ses droits. […] Mais le Comédien ne couroit pas le même risque, celui dont le personnage représentoit un caractere injuste & vicieux, étoit toujours condamné de droit, il étoit sur le Theatre pour perdre sa cause.
Tout ce qui nourrit les passions est de ce genre… On n’y trouverait que trop de matière à la confession, si l’on cherchait en soi-même les causes du mal. […] » Ces personnes pèchent grièvement, dit un célèbre théologien*, qu’on n’accusera pas de rigorisme, parce qu’elles coopèrent au péché mortel des comédiens, qui sont eux-mêmes cause des péchés que commettent les spectateurs.