Un amateur du spectacle est un homme sans caractère, sans fonction, sans objet, sans occupation, qui circule dans une ville, ne sachant que faire, ne prenant aucun emploi, les dédaignant tous, ne pensant point à ceux dont il peut être chargé, n’existant que pour voir des spectacles, en parler, y figurer, y mettant l’unique, le souverain bien. […] Modeste, sans ambition, sans jalousie, son caractère se peignoit sur la figure, où l’on voyoit la noblesse, la franchise, l’efprit, la gaieté, l’ame bienfaisante, le cœur tendre, &c.
Le masque facilite tout ; les aventures qu’il fait naître, qu’il cache, qu’il favorise, le caractère des danses qu’il fait imaginer, l’amusement des préparatifs qui faisoit dire à Fontenelle, au moment qu’on partoit pour le bal, le plaisir est passé, vous l’avez goûté en vous préparant, le mouvement de l’exécution, les équivoques auxquelles l’incognito donne lieu, ont fait le succès de ces folies, & en font l’extrême danger. […] Il est bien-venu partout, d’un caractère doux, d’un commerce agréable ; c’est un phénomène, ses mœurs ne sont pas moins rares que ses talens.
Et quelle calomnie effrontée d’appeler publiquement enchanteurs et magiciens ceux qui n’ont jamais été notése de la seule pensée d’avoir voulu minuterf et calculerg la vie de leur prince par sorts, charmes et caractères comme quelques autresh.
On a vu dans le chapitre précédent que les ecclésiastiques au mépris du onzième canon du troisième concile de Carthage, tenu l’an 397, avaient, non seulement assisté aux spectacles mondains donnés par les confrères de la Passion, qui, après leurs comédies saintes, mêlaient toujours quelques farces, mais encore qu’ils avaient eux-mêmes rempli des rôles et ouvert leurs églises pour ces sortes de représentations ; que les lois civiles, que l’autorité du prince, infiniment plus portées à maintenir le respect dû à la religion et au caractère sacré de ministre des autels, que les ecclésiastiques eux-mêmes, avaient arrêté ce débordement de scandale et d’obscénité, en défendant aux ecclésiastiques de jamais prendre part à ces sortes de représentations, en réglant les sujets des pièces de théâtres, et en ordonnant que la scène serait transportée hors des églises. […] Elle est habillée en dévote, et d’une manière convenable au personnage qu’elle joue ; devant elle un jeune homme alerte, qui représente le diable, fait mille sauts et mille cabrioles, et tâche, par ses gestes bouffons, de faire rire la prétendue sainte qui, de son côté, s’efforce de conserver la gravité qui convient à son caractère et à la cérémonie ; de jeunes filles viennent ensuite, portant l’image de la sainte Vierge. […] La longueur des nuits rendait la chose facile, et d’ailleurs cet usage donnait un caractère plus singulier et plus particulier à cette fête ; à chaque nocturne on faisait une invitation ; du reste l’office entier était une véritable rapsodie de tout ce qui se chantait pendant le cours de l’année ; on y retrouve toutes les pièces des autres offices, celles des fêtes des saints, des mystères, les chants de Pâques, ceux du carême ; des fragments de psaumes : les morceaux tristes sont mêlés avec les morceaux joyeux, c’est l’assemblage le plus bizarre qu’on puisse imaginer. […] donc que les prêtres n’ont de sacré que leur caractère, et que, du moment où ils s’oublient au point de l’avilir, ils tombent sous la loi commune, et reçoivent, comme les autres citoyens, le châtiment dû à leurs crimes ou à leurs délits.