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178. (1692) De la tragédie « De la tragédie ancienne et moderne. » pp. 148-162

Entre mille personnes qui assisteront au Théâtre, il y aura peut-être six Philosophes, qui seront capables d’un retour à la tranquillité, par ces sages et utiles méditations ; mais la multitude ne fera point ces réflexions ; et on peut presque assurer que par l’habitude de ce qu’on voit au Théâtre, on s’en formera une de ces malheureux mouvements.

179. (1760) Sur l’atrocité des paradoxes « Sur l’atrocité des paradoxes —  J.J.L.B. CITOYEN DE MARSEILLE, A SON AMI, Sur l’atrocité des Paradoxes du Contemptible J.J. Rousseau. » pp. 1-128

A la Cour de Louis le Grand, les Evêques, les Cardinaux, les Nonces du Pape ne faisaient pas de difficulté d’assister aux Pièces ; & il n’y aurait pas moins d’imprudence que de folie de conclure que tous ces grands Prélats étaient des impies & des libertins, puisqu’ils autorisaient le crime par leur présence. […] Voici ce qu’en rapporte Acosta [Amer. 9 part. l. 6, c. 6.] « Les Chinois, dit cet Auteur, ont des Théâtres vastes & fort agréables, des habits magnifiques pour les Acteurs, & des Comédies dont la représentation dure dix ou douze jours de suite, en y comprenant les nuits, jusqu’à ce que les Spectateurs & les Acteurs las de se succéder éternellement en allant boire, manger, dormir & continuer la Pièce, ou assister au Spectacle sans que rien y soit interrompu, se retirent enfin tous comme de concert. […] L’emploi des Comédiens établis pour donner aux Hommes une récréation honnête, n’a rien selon moi qui mérite d’être défendu, & je ne les crois pas en état de péché … … … Je crois, poursuit-il, que ceux qui les paient & les assistent avec modération ne péchent point, & qu’ils font même une action de justice, puisque c’est leur donner la récompense de leur travail, &c. […] Plusieurs de ses gens qu’il y avait envoyé, & qui avaient été reçus dans la Ville, comme venant assister à cette fête, devaient la nuit se saisir des Portes de la Ville, pour en assurer l’entrée aux Troupes de Comanus qu’il avait fait avancer secrettement derrière une Montagne ; mais une Dame, parente du Roi, craignant de voir périr un jeune Grec qu’elle aimait éperduement, lui découvrit l’entreprise ; aussi-tôt les Magistrats avertis par ce jeune Grec, firent faire main-basse sur tous les étrangers qui furent trouvés en armes ; après quoi les Habitans marchèrent contre Comanus, qui demeura sur la place avec sept mille hommes de ses Troupes. […] Pierre d’Hozier, célèbre Généalogiste, il avait une mémoire si prodigieuse, que d’Ablancourt dit de lui, qu’il fallait qu’il eut assisté à tous les Baptêmes & Mariages de l’univers, &c.

180. (1781) Lettre à M. *** sur les Spectacles des Boulevards. Par M. Rousseau pp. 1-83

par des femmes perdues, par des femmes soudoyées9 tout exprès, pour assister à ces Jeux Libertins, & y donner le ton, à cette foule de jeunes gens qu’elles y attirent ! […] Non, Monsieur, je ne crois pas exagérer mon calcul, en soutenant que le mal vénérien prêté & rendu par les sujets des deux sexes qui abondent aux Spectacles Forains, fait mourir ou estropie plus de citoyens & de citoyennes, en un an, que la guerre ne détruit de soldats en trois batailles rangées28 Que de gens, fortunés possesseurs d’une aisance acquise par leurs travaux, & d’une santé conservée par leur sagesse eussent coulé, dans une vieillesse exempte d’infirmités, des jours paisibles & sereins, qui sont à la fleur de leur âge, plus ou moins lentement descendus dans la tombe, au milieu des humiliations, des douleurs & des souffrances, pour avoir, à l’exemple des deux jeunes gens que je viens de citer, assisté une seule fois aux jeux scéniques des Remparts ! […] Je conviens qu’il y a, aujourd’hui, quelque police extérieure, cela n’empêche pas qu’il n’y ait par semaine quelques coups d’épée reçus ou donnés, mortels ou non, par suite de querelles survenues entre les jeunes gens qui assistent à ces Spectacles. […] J’assistai un jour à je ne sais quel Spectacle des Boulevards, on donnait une piece intitulée : Les petites Affiches, copie, très-imparfaite assurement, de la charmante Comédie du Mercure galant. […] Les Enfans sans souci pousserent l’insolence au point de jouer le bon Roi Louis XII, sur leurs Trétaux ; & ce qu’il y a de plus étonnant, sans doute, c’est que ce Prince, qui assista à une représentation de la Piece, n’est témoigna aucune humeur, aucun mécontentement : c’est par ces sarcasmes que le Peuple se vengeait des Grands de l’Etat, & la main qui lançait ces traits piquans restait souvent cachée.

181. (1824) Un mot à M. l’abbé Girardon, vicaire-général, archidiacre, à l’occasion de la lettre à M. l’abbé Desmares sur les bals et les spectacles, ou Réplique à la réponse d’un laïc, par un catholique pp. -16

Entr’autres pourquoi, j’avais demandé si c’est parcequ’on y joue Tartuffe qu’il fallait proscrire le théâtre : vous répondez que c’est parcequ’on joue Joconde et le mari à bonnes fortunes, « pièces qu’une fille chaste ne peut, dites-vous, entendre sans rougir. » Je ne sais, Monsieur, si vous avez assisté à la représentation des pièces dont vous parlez ; mais ce que je sais bien, et ce que savent toutes les mères de famille, c’est que de jeunes personnes apprennent la musique de Joconde ou de toute autre pièce, sans donner beaucoup d’attention aux paroles ; et pour qu’elles fussent capables d’en faire l’application, il leur faudrait une expérience, que vous avez sans doute, mais que n’ont point l’innocence et la candeur.

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