Epître du premier livre écrivant à Eucratius, montre assez en quelle horreur et détestation les Chrétiens avaient anciennement les Bateleurs et joueurs de farces, Comédies et Tragédies, et autres choses semblables, jusqu’à priver de la sainte Communion ceux qui s’adonnaient à cet art : Il déclare le semblable en cette Epître, que le Chrétien doit fuir tous Spectacles et Jeux publics, de quelque sorte que ce soit : où de premier coup il s’attache à ceux qui abusaient des témoignages de la S. écriture pour approuver telles folies : puis discourant par toutes les espèces des Spectacles, en fait le diable auteur, et l’Idolatrie mère : rappelant les Chrétiens à contempler plutôt les œuvres de Dieu, et les saintes écritures, comme les vrais spectacles des vrais enfants de Dieu. […] Il n’est pas licite, dis-je aux Chrétiens fidèles de se trouver à tels Spectacles : il ne leur est pas licite totalement : ni semblablement écouter ceux, que la Grèce envoie de toutes parts, instruits de ses arts vaines et frivoles, pour chatouiller les oreilles : l’un sonnant de la trompette bellique, l’autre de clairons, l’autre jouant de la flûte, chants piteux et lugubres, l’autre entre les danses avec une harmonieuse voix d’un homme, s’efforçant de toute son haleine, qu’à grand force il tire du profond de ses entrailles, fredonnant des doigts sur les pertuisag des flûtes, maintenant lâchant son vent, maintenant l’enfermant dedans, et le retirant, maintenant le lâchant par certains pertuis, et l’espardantah en l’air, déchiquetant le son distinctement et par articles, s’efforce parler des doigts, se montrant ingrat envers l’ouvrier, qui lui a donné la langue.
« C’est par là que Molière illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût emporté le prix ; Si moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer les figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin. » M’écouterait-on, si je représentais que l’esprit d’irréligion, si funeste à tout le monde, et si commun au théâtre, se répand plus facilement dans le peuple, moins en garde contre la séduction, moins en état d’en repousser les traits et d’en démêler les pièges, lui dont la piété moins éclairée et plus simple confond aisément les objets, tient beaucoup plus à l’extérieur, et par conséquent peut être ébranlée à la moindre secousse, surtout quand on lui arraché les appuis nécessaires de l’instruction et des exercices de religion, en substituant le spectacle aux offices, et lui faisant oublier dans ses bouffonneries le peu qu’il sait de catéchisme, qu’on l’éblouit par le faste du spectacle, qu’on l’amollit par les attraits des Actrices, qu’on le dissipe par la science du langage ? […] Mais le Parnasse a beau faire le pompeux éloge de l’art et des talents, l’étalage des beautés et des règles, la critique des défauts et du goût, dans le fond Melpomène et Thalie n’aiment que la débauche et l’argent.
« Quelle est, dit Tertullien, cette corruption qui fait que l’on aime ceux que les lois publiques condamnent ; qu’on approuve ceux qu’elles méprisent ; qu’on relève un art et un emploi, en même temps qu’on note d’infamie ceux qui s’y adonnent ? […] « Oui, mes Frères, ajoute ce Saint, c’est le démon qui a fait un art de ces divertissements et de ces jeux, pour attirer à lui les soldats de Jésus-Christ, et pour relâcher toute la vigueur et comme les nerfs de leur vertu.
Les Grecs si habiles dans tous les beaux Arts, connurent de bonne heure le véritable goût de chaque Piéce de Poësie.