5.° Le rôle de l’amant de la Novice ne l’est pas moins. […] Mais ce pauvre amant n’a que des paroles ou des insultes à dire à son beaupère. […] Mais voilà un vœu, une vraie profession qu’elle fait à son amant. […] M. de la Harpe croit faire parler une Actrice qui n’a pu voir son amant. […] Un moment après ses discours elle expire en prononçant le nom de son amant.
J’ai toujours regardé les quatre premiers Actes des Horaces, comme un Ouvrage comparable, s’il n’est pas supérieur, à tout ce que nous avons de plus excellent en ce genre dans l’antiquité : je ne puis voir sans quelque peine, il est vrai, l’amour de Camille pour Curiace ; les violents transports qu’elle fait paraître à l’occasion de la mort de son Amant, quoi que cet Amant fût destiné à être son époux, sont indécents dans une fille bien née ; ils blessent également les sentiments qu’on doit à sa Patrie, et ceux que la bienséance inspire : le sexe en général en est offensé ; et tout le monde sent que de pareils exemples doivent être bannis du Théâtre, où ils peuvent faire des impressions dangereuses dans le cœur de la jeunesse. […] Sertorius, qui est si vivement amoureux de Viriate, quoique dans un âge avancé, et malgré son expérience, n’est rien moins que tranquille dans sa passion : en sorte que je ne trouve pas qu’il y ait une assez grande différence entre ces deux Amants et les Amants ordinaires de Théâtre ; pour que le Poète ait eu lieu de s’excuser dans sa Préface, de n’avoir pas donné dans un excès que l’on aurait peut-être souhaité, en les faisant extravaguer davantage, et en leur prêtant toutes les fadeurs ordinaires aux Amants de Théâtre. […] Il est vrai que, dans le cours de l’action, Tibérinus et Agrippa ne sont nommés par les Princesses, que comme leurs Amants, sans qu’elles paraissent se rappeller qu’ils avaient été destinés à les épouser. Mais je suis persuadé que Quinault a changé d’avis en composant sa Pièce ; et que s’étant imaginé, par les raisons que nous avons tant de fois répétées, que le Public serait plus touché de voir les deux Princesses pleurer la perte de leurs Amants, que celle de leurs maris, il a préféré la satisfaction de plaire, en se prêtant au penchant de la nation, à la gloire d’instruire et de corriger. […] Malgré cela, les amours de ces deux Princesses, quelques raisonnables qu’ils soient, sont infiniment malheureux ; puisqu’elles se tuent toutes les deux après la mort de leur Amant.
Elise en paraissant sur le Théâtre devrait commencer par reprocher à son Amant l’indigne stratagême qu’il avait executé en se déguisant et entrant comme Domestique chez son père, non seulement sans avoir obtenu auparavant le consentement de sa Maîtresse, mais même malgré elle, puisqu’elle lui avait ordonné expressément de renoncer pour jamais à ce projet, lorsqu’il lui en avait fait confidence. […] Laurette Servante d’Ismène (qui est le personnage en question) est aussi de très mauvais exemple ; elle fait cent fourberies pour brouiller la fille de sa Maîtresse avec Acante son amant, à qui elle avait été promise, parce que Crémante père d’Acante, est devenu amoureux de la prétendue de son fils et veut l’épouser. De l’autre côté, Ismène Maîtresse de Laurette sans avoir aucune assurance de la mort de son mari, se dit veuve et prétend épouser Acante l’amant de de sa fille. Laurette, par ordre de sa Maîtresse, fait de son mieux pour donner des preuves de la mort de son vieux Maître, et ne travaille pas moins vivement, à la sollicitation de Crémante, pour rompre toute intelligence entre les deux Amants.
Ce grand Pontife, à qui il donne assez de fermeté pour faire mourir sa fille, se trouble, ne sait ce qu’il dit, pleure comme un enfant, s’appuie, chancelle, tombe comme une femme, prend les mains de l’amant de sa fille, qui la déshonore, est cause de sa mort, & à ses yeux est un sacrilege profanateur du Temple & des Prêtresses de Vesta. […] On suppose à la porte du Temple la fosse où l’on enterroit la coupable, on l’y fait marcher & descendre, elle a déjà le pied levé quand son amant l’enleve. […] Son amant arrive assurément bien à propos & à point nommé : Un petit moment plus tard j’étois, j’étois perdue. […] Le Pere d’Ericie, ses compagnes, les Prêtres, le peuple, aussi tranquilles, s’amusent à l’écouter & à converser avec lui (coup de théatre encore), jusqu’à ce qu’enfin la pauvre fille, revenue de sa pamoison, arrache le poignard des mains de son amant, & se l’enfonce dans le sein. […] Mais ni l’amant, ni le père, ni ses compagnes, ni aucun des spectateurs, à qui on donne pourtant de la douleur & de la pitié, ne s’avise de la soulager ; tout la laisse nageant dans son sang, & s’en va.