qu’une femme Demoiselle est une étrange affaire, et que mon mariage est une leçon bien parlante à tous les Paysans qui veulent s’élever au-dessus de leur condition, et s’allier, comme j’ai fait, à la maison d’un Gentilhomme etc. »cp Avouez donc Monsieur que, si vous eussiez porté de meilleurs yeux, ou plus de bonne volonté pour l’Auteur à la représentation de cette pièce, vous auriez mieux senti son objet, qui était d’avertir tous les roturiers opulents que leur richesse et leur vanité ne doivent pas les faire aspirer à des alliances nobles, s’ils ne veulent s’exposer aux mêmes chagrins que le pauvre George Dandin. […] Philinte est de ces gens-là : il sait qu’un homme, pour être homme de bien, a assez d’affaire de s’observer lui-même, sans se charger encore du soin de réformer les autres. […] Otez-leur le nom de Misanthropes si vous voulez : traitez-les de brutaux, le nom n’y fera rien : toujours sera-t-il vrai qu’il y a dans le monde des Alcestes et des gens capables de s’attirer une affaire fâcheuse pour dire trop durement leur avis et capables de se faire haïr par l’âpreté de leur morale et la brutalité de leur sagesse prétendue. […] Croyez-vous que deux Notaires, très bien connus d’un Testateur, habitués d’ailleurs à faire ses affaires, pourraient écrire un très long Testament sous la dictée de Crispin, sans s’apercevoir qu’on les trompe ?
Le mécanisme des vers, la distribution des scénes demande quelques réflexions, & forme une difficulté que Moliere a rarement surmontée, puisque la moitié de son théatre est en prose ; enfin, comme le plaisir est la grande affaire, tout ce qui en fait goûter, tout ce qui flatte les passions est assuré de tous les suffrages. […] A l’exemple du Duc de Parme, ce sera une pépiniere féconde, où il croîtra toujours des jeunes arbres, ou si l’on veut un noviciat, moins dévot il est vrai, que ceux des Capucins, mais absolument nécessaire à la grande œuvre qu’ils ont entreprise : je ne désespere pas qu’on ne la mette sur l’état des villes, & que quelque jour on ne bâtisse, aux frais du public, dans les grandes villes, un Collége Royal de comédie, qui réussira mieux que les autres ; tout cela nous annonce que les Canons qui défendent l’assistance à la comédie, & qui excommunient les comédiens, ne sont plus comptés pour rien ; déjà dans le Duché de Parme & de Plaisance ils sont régardés comme la Bulle in Cœna Domini, qui n’y a plus lieu depuis deux ans ; aussi les affaires avec le St. […] Ses repas étoient d’une longueur excessive, d’une somptuosité, d’une délicatesse la plus recherchée ; toujours environné de Bouffons, & Bouffon lui-même dans ses propos, ce que les flatteurs appelloient de la gayeté, sa vie étoit une sorte de comédie perpetuelle, & il en faisoit jouer souvent dans son Palais, souvent par des jeunes Seigneurs les plus distingués : il ne pouvoit souffrir le sérieux des affaires, sur-tout des affaires ecclésiastiques : aussi l’Eglise reçut elle de son tems la plus profonde plaie qu’elle eût jamais soufferte : l’héresie de Luther, & ses suites, qui durent depuis deux siécles, & vraissemblablement dureront longtems encore. […] Il avoit été envoyé Legat en France, il plût à François I. par son enjouément, & ses plaisanteries ; il en profita pour ménager les intérêts de son Maître ; mais malheureusement il voulut aussi ménager ses propres affaires, il prit des mesures avec le Roi pour se faire élire Pape au prochain Conclave. […] Pour l’opera venu d’Italie en France avec la bénédiction du dévot Cardinal Mazarin, qui ne sçait que le spectacle des Dieux, & des démons, des magiciens & des prodiges, est une affaire de la derniere importance, chez les deux Nations ?
Le Pape examina l’affaire, reconnut l’imposture, lui rendit ses pouvoirs, le fit prêcher dans Rome, & le combla de bénédictions & d’éloges. […] La parure, comme la littérature, la politique, les affaires, forme les coteries, & une espece de monde dont elle est l’ame. […] Juger d’une étoffe, prononcer sur une couleur, discuter une mode, essayer un habit, placer un ponpon, ce sont des affaires d’Etat ; c’est l’occupation générale du sexe. […] Ce luxe rend les femmes inutiles à leur famille, & incapables d’affaires, leur esprit occupé, leur cœur rempli de ces bagatelles, tout leur temps employé ou à les préparer, ou à les étaler ; il n’y a plus ni loisir, ni liberté, ni goût, ni lumiere pour rien de serieux. […] Il faut donc pour y fournir, s’épuiser, s’endetter, negliger sa famille, déranger ses affaires pour achêter la paix, & empêcher qu’on ne se fasse justice par ses propres mains, ou qu’on n’ait recours à un amant libéral, qui payera les faveurs par les frais de la parure.
Je vous avoue, Agathon, que j’ai de la peine à décider : Car outre que j’ai un penchant naturel à ne pas juger mal de mon prochain, les raisons qui se présentent à mon esprit sur cette affaire, me partagent ; et si vous le voulez, nous les examinerons sans aucun préjugé. […] Mais en cette affaire, il y a un point qui me tient bien au cœur : Et c’est que comme l’on a eu un grand zèle pour convertir ceux qui faisaient profession de la Religion Prétendue Réformée, on en eût autant pour la conversion du Sexe prétendu dévot.