Ils m’apprendroient que d’abandonner ces spectacles et ces assemblées, dans les premiers siecles de l’Eglise, c’étoit une marque de religion, mais une marque authentique ; et qu’en particulier ils ne blâmoient pas seulement le théatre parce que de leur temps il servoit à l’idolâtrie et à la superstition, mais parce que c’étoit une école d’impureté. […] Un homme du monde qui fait du jeu sa plus commune et presque son unique occupation, qui n’a point d’affaire plus importante que le jeu, ou plutôt qui n’a point d’affaire si importante qu’il n’abandonne pour le jeu ; qui regarde le jeu non point comme un divertissement passager, propre à remettre l’esprit des fatigues d’un long travail et à le distraire, mais comme un exercice réglé, comme un emploi, comme un état fixe et une condition ; qui donne au jeu les journées entieres, les semaines, les mois, toute la vie, (car il y en a de ce caractere, et vous en connoissez.) […] Parce qu’on ne peut accorder ensemble le jeu et l’entretien d’une maison, on abandonne la maison, et l’on ménage tout pour le jeu ; on voit tranquillement et de sang froid des enfants manquer des choses les plus nécessaires ; on plaint jusqu’aux moindres frais, dès qu’il s’agit de subvenir à leurs besoins ; on les éloigne de ses yeux, on les confie à des étrangers, à qui l’on en donne la charge, sans y ajouter les moyens de la soutenir ; on ne les a pas actuellement ces moyens, à ce qu’on prétend, mais pourtant on a de quoi jouer. […] Il vaut mieux jouer, dites-vous, que de parler du prochain, que de former des intrigues, que d’abandonner son esprit à des idées dangereuses.
Louis XIV fut quelques jours amoureux de la premiere ; on lui fit sentir qu’il se deshonoroit, il l’abandonna. […] Qu’elle coupoit les cordes des cloches pour qu’on manquât les offices, se faisoit habiller & deshabiller par des jeunes pages, au lieu de femmes de chambre, se déguisoit en hommes, & couroit la nuit, qu’elle abandonna son mari, s’alla promener en Piémont, en France, en Flandre, en Allemagne, qu’on lui dédia une tragédie, qu’elle en fit la fortune, &c. mais pourvu qu’on soit belle, ou du moins qu’on s’en croie, on a toute sorte de mérite, les graces effacent tous les défauts, le coloris du tein donne toutes les vertus. […] Les chaperons des Docteurs, des Echevins, les mortiers des Présidents, les bonnets triangulaires ou quarrés eurent de pareilles généalogies, de même que les chapeaux pointus, plats, ronds, triangulaires, grands, petits, &c. tout cela fut abandonné pour les cheveux frisés.
Les Juges de la langue abandonnent Vaugelas pour leur Breviaire. […] Aussi, J’abandonne le monde & toute sa bêtise, Maudit soit qui prétend corriger sa sottise ; Que l’on s’adonne au mal, que l’on s’adonne au bien, Voyage qui voudra, je n’en dirai plus rien. […] Pour moi, qui me ris de ces foux, Je m’abandonne sans foiblesse Aux plaisirs que m’offrent mes goûts.
Il abandonne sans regret les bouffonneries, les équivoques, les obscénités, dont la grossiereté révolte. […] Il est très-comique d’entendre Moliere, dont l’éruditiou n’égaloit pas celle de Scaliger & de Saumaise, disserter gravement (Préface du Tartuffe) sur la distinction entre l’ancienne & la nouvelle comédie, & avancer que les saints Peres, dont il avoit peut-être entendu prononcer le nom dans les Litanies, n’avoient jamais déclamé que contre cette ancienne prostituée qu’il abandonne généreusement à leurs traits, mais non contre la courtisanne moderne, qu’ils auroient canonisée, & proposée à tout le monde comme un exercice de dévotion où lui Moliere prêchoit beaucoup mieux que Bourdaloue, contre laquelle les Prédicateurs ne parloient que par jalousie. […] Je n’abandonne pourtant pas les Pères des deux premiers siecles.