Quelle est l’époque de la décadence de la Grèce et de Rome, quelle est la date précise de leur humiliation et de leur servitude ? […] Si les Gaulois n’avoient trouvé à Pharsale des chevaliers de coulisses, qui ne craignoient que pour le poli de leur physionomie15, la liberté de Rome eût subsisté. Quel expédient employa Néron et les autres tyrans de Rome, pour affermir leur empire odieux ? […] Rétablissez ces jeux virils, ces récréations actives et laborieuses, qui ont conservé si long-temps la valeur et la liberté dans Sparte et dans Athènes, qui ont formé les vainqueurs de Pyrrhus et d’Annibal ; auxquels Rome attribuoit toute sa gloire, et auxquels elle la devoit en effet20 : la course, la lutte, et tant d’autres exercices qui, en fortifiant le corps, donnent à l’esprit même un nouvel essor21. […] Incendie de celui de Moscou, 1 Mai 1780, p. 64 : de celui de Torredinona, le plus grand de Rome, 15 Mars 1781, p. 441.
Elle fut inconnue à Rome dans les tems vertueux de la République, & même dans le régne des premiers Césars ; elle étoit si opposée aux mœurs romaines, & elle eût mal figuré avec la couronne de lauriers qu’ils se faisoient gloire de porter ; des cheveux poudres d’or n’ont pas l’air militaire, ni l’air Magistrat, de pareilles têtes au Sénat, à la tribune, à l’armée auroient fait pitié. […] L’état de Baigneur, Coëffeur étoit considérable à Rome, comme il l’est en France ; mais il ne le devint que quand les mœurs s’y corrompirent ; à peine connus auparavant, le Luxe les fit sortir de la misere & de l’obscurité, on les appelloit Cinerarius & Cinisto, comme nous l’apprend Varron ; parce qu’ils faisoient chauffer leur fer à friser dans des cendres chaudes, il n’y a pas un siécle que cette lie du peuple a commencé de jouer un rôle, & elle veut aujourd’hui aller de pair avec les Seigneurs ; elle forme un corps nombreux, fait valoir des Privileges, arbore le luxe des habits, & la parure de la tête comme un modele, une poupée vivante qu’elle présente ; le Théatre lui forme un grand crédit, la grande regle du bon goût est la parure d’une Actrice. […] Il y avoit à Rome des pleureuses à gages, appellées Præficæ, qui dans les convois suivoient les morts en pleurant, sanglotant, s’arrachant les cheveux, se frappant la poitrine, comme si elles eussent été dans la derniere désolation. […] Sénateur à la moderne, plus femme que homme, habitant de toilette, plus que citoyen Romain, & de tous ces vils esclaves, qui exerçoient à Rome le métier de Friseur, de Calamistreur, que nous honorons, ainsi que les Comédiens, qui n’étoient, la plupart, que des esclaves, & qui tous étoient infâmes, par des loix expresses. […] Ces têtes peintes, cette chevelure de plâtre, ces cheveux empruntés, ces perruques de toutes couleurs & de toutes especes, ces folies inconnues à Rome pendant plusieurs siécles, ne viennent que du théatre ; en voici l’origine, tous les auteurs, & tous les anciens monuments nous apprennent que les acteurs jouoient masqués, & qu’ils portoient de grands masques, qui enveloppoient toute la tête comme le casque de nos anciens chevaliers, avec cette différence qu’au lieu de visieres ils avoient de grandes ouvertures aux yeux & à la bouche ; on croit que ces masques grossissoient la voix, & certainement ils la gatoient.
La même chose arriva à Rome. […] Cette différence entre bréve & breve, longue & longue, qui ne nous est pas connue, étoit si sensible à la populace de Rome, que quand un Comédien manquoit tant soit peu paululum à cette mesure, en allongeant un peu trop une syllabe longue, ou rendant un peu trop breve, une syllabe breve, toute l’Assemblée se récrioit, theatra tota reclamant. […] Si un de ces Comédiens anciens venoit sur notre Théâtre dans un lieu étroit & fermé, pousser sa voix comme il la poussoit sur le Théâtre de Rome, nos oreilles seroient étourdies. C’est ce qui arriva dans une petite Ville d’Espagne, où un Comédien de Rome s’avisa de vouloir donner le Spectacle d’une Tragédie à un Peuple qui n’en avoit jamais vu un pareil. […] Les Sujets qu’exécutoient les Pantomimes étant très-connus à Rome, ils n’avoient pas besoin, avant que de commencer une Piéce, de faire crier, c’est Andromaque, c’est Priam, c’est Hercule, &c. que nous allons représenter : ils furent dans cette nécessité lorsqu’ils vinrent s’établir à Carthage, chez un Peuple à qui tous ces Sujets étoient nouveaux : quand il y fut accoutumé, cet usage cessa, il ne falloit instruire du Sujet de la Piéce, que celui qui la voyoit pour la premiere fois.
hommes illustres, que vous sert d’admirer sur nos Théâtres, les fameux héros de la Grece & de Rome, si l’élevation de leurs sentiments n’a aucun pouvoir sur vos ames ? […] Enfin si le bien de l’ordre, comme vous le dites, exige des Théâtresa, qu’ils soient parmi nous, ce que la Censure étoit à Rome ; qu’un Censeur aussi rigide que recommendable veille sur cet objet d’administration.