Peu de temps après ils se mirent noblement sur le pied des maisons de Prince, ce que n’ont pas les Académies. […] Pour satisfaire la lubricité du Prince, elles y développent toutes leurs graces, lui présentent toute sorte de groupes lascifs. […] Le caractère de bonté de ce Prince, sa valeur, son courage, sa politique même, n’influent en rien sur son amour pour la danse. Un tyran, un lâche, un stupide, peuvent l’aimer aussi-bien & plus qu’un bon Prince ; c’est une affaire de tempéramment, d’éducation, de climat. Tout danse dans le Béarn, où ce Prince passa sa jeunesse, c’est le goût général du pays.
Ce Prince effeminé prodiguoit des millions pour sa parure & celle de ses mignons. […] Antoine, Roi de Navare, étoit un Prince mou & efféminé, tel qu’il le falloit à Cathérine. […] Ce Prince n’eut pour elle rien de caché ; l’espione fidelle rendoit compte de tout à sa maîtresse. […] Ce Prince, fort aguerri dans toute sorte de combats, conserva, comme un grand General, le sang froid dans la mêlée, & fut impénétrable, La Reine vint elle-même renforcer ses troupes, & caressa le Roi de Navarre, jusqu’à lui mettre la main dans le sein & le chatouiller. […] On s’est depuis déchargé de cet emploi important sur des troupes reglées d’Acteurs bien payés, qu’on a honnoré du glorieux titre d’Académie Royale, de Comédiens du Roi, de Troupe d’un tel Prince.
Histrionum turpium et obscœnorum insolentias jocorum : c’est ainsi que ce Prince les qualifie. […] néanmoins qui se reformèrent s’y rétablirent, et y furent soufferts dans la suite du règne de ce Prince, et des Rois ses Successeurs : nous en avons la preuve dans un tarif qui fut fait par saint Louis, pour régler les droits de péage, qui se payaient à l’entrée de Paris sous le Petit Châtelet ; l’un des articles porte, que le « Marchand qui apporterait un Singe pour le vendre, payerait quatre deniers ; que si le singe appartenait à un homme qui l’eût acheté pour son plaisir, il ne donnerait rien : que s’il était à un joueur, il en jouerait devant le Péager, et que par ce jeu, il serait quitte du péage, tant du singe, que de tout ce qu’il aurait acheté pour son usage.
Ces principes posés, il s’agit à présent de prouver que la Comédie fournit au monde de nouveaux attraits ; qu’elle affermit ou établit même l’empire du Prince des ténébres ; qu’elle souléve les passions ; qu’elle les porte à la révolte ; & que parconséquent elle est directement opposée au but que Jesus-Christ s’est proposé de dompter les passions, & de substituer à l’amour de la Créature & de sa loi.