Je mets encore le Misantrope au nombre des ouvrages de Molière qui ont porté atteinte aux mœurs. […] Pour moi, je suis persuadé que Molière n’a pas voulu faire ici un second tartufe, mais un misantrope, et qu’il a fait d’Alceste un honnête homme. […] Il me paraît sensible que c’est encore sans juste raison, sans nécessité et malheureusement que Molière a employé un moyen extrême, l’arme terrible du ridicule, contre le probe, le délicat et trop sensible Alceste. […] Molière ne les avait pas en vue dans cette satire, dit-on ; il est permis d’en douter ; mais au reste, que fait l’intention de l’auteur, lorsqu’il ne peut arrêter l’action de sa satire aux limites qu’il lui a fixées ? […] Il est arrivé à Catulle d’emprunter d’Hésiode ; et à Virgile d’emprunter de Catulle et d’Homère, comme il est arrivé à Molière, à Corneille, à Racine, à Voltaire, d’emprunter de Plaute, de Térence, d’Euripide et de Sophocle, etc.
Il ne faut pas s’étonner que Molière soit mort dans des sentiments tout contraires ; il n’a point eu le temps de se convertir. […] Malgré son mariage, dont tout le monde sait les circonstances, on n’a pas laissé de regarder Molière comme un très honnête homme : soit, mais il y a bien de la distance de cette qualité à celle d’un bon chrétien.
Que le Ciel aujourd’hui favorise, illumine, Qui détestant ses Vers trop remplis de tendresse, Les prend pour des péchés commis en sa jeunesse. » Il répond à la prétendue correction des mœurs par les Pièces de Molière, en citant le jugement qu’en a fait l’Auteur de la République des Lettres dans son Recueil d’Avril 1684. où il parle de Molière en ces termes : « Il n’a corrigé que certaines qualités, qui ne sont pas tant un crime qu’un faux goût, qu’un sot entêtement, comme vous diriez l’humeur des prudes, des précieuses, de ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en Marquis, qui parlent incessamment de leur noblesse. […] Si celles de Plaute sont peu honnêtes, celles de Terence sont plus tolérables pour ces siècles-la, que celles de Molière pour le nôtre. […] Mais on demande s’il faut passer pour honnêtes, les impiétés et les infamies, dont sont pleines les Comédies de Molière, qui remplissent encore à présent tous les Théâtres des équivoques les plus grossières. […] La mort tragique de Molière sur le même Théâtre où il jouait le Malade imaginaire, n’y est pas oubliée. […] [NDE] Claude de la Rose, dit Rosimond (1640-1686) est mort, comme Molière, en sortant de scène.
Si je remontais un peu plus haut, je trouverais Corneille et Molière qui sont au dessus de tous les éloges qu’on leur peut donner ; l’un à qui Racine aurait cédé pour le sérieux ; et l’autre à qui tout le Monde doit céder pour le Comique. […] Comme le Théâtre commençait déjà à montrer son indigence, et que la mort de Molière l’avait privé d’un Ornement qu’il ne recouvrera jamais, peut-être ne serez vous pas fâchée de voir un fragment de ce Prologue. […] Depuis combien de temps la fidèle Thalie Dans un Habit lugubre est-elle ensevelie, Le front ceint de Cyprès, les yeux baignés de pleurs, Sans qu’un autre Molière appaise ses douleurs ?