Rousseau,1 vous tâchez non seulement de justifier l’imputation que vous avez faite aux Théologiens de Genève, en les accusant de ne plus croire ni à la Divinité de Jésus-Christ, ni à l’éternité des peines de l’Enfer ; mais vous rendez ensuite la proposition générale, en disant que ces sentimens sont une suite nécessaire des principes de la Religion Protestante : que, si les Ministres ne jugent pas à propos de les adopter ou de les avouer aujourd’hui, la Logique que vous leur connoissez doit naturellement les y conduire, ou les laisser à moitié chemin. […] Athanase, nos sentimens sur la Trinité en général, & sur la Divinité de Jésus-Christ en particulier, doivent être à l’abri de tout reproche. […] Il nous suffit par conséquent de voir que les Prophètes, les Evangélistes & les Apôtres s’accordent pour donner à Jésus-Christ le nom, les attributs & les prérogatives de la Divinité, pour nous déterminer à l’adorer comme vrai Dieu, & à reconnoître avec l’Apôtre9 qu’il est juste qu’au nom de Jésus-Christ tout genou se ploie dans les cieux & sur la terre.
Vous, Madame, qui par une louable coûtume participez si souvent au Corps & au Sang de Jesus-Christ le cher Epoux de cette Mere ? […] Par quel principe de morale vôtre Confesseur oseroit-il vous permettre, que vous alliassiez l’usage de la sainte Communion avec le divertissement de la Comedie ; lors qu’il sçait que Salvien ce grand Prêtre de Marseille se servît de toute son eloquence à faire des invectives aux Chrétiens du cinquiéme siécle ; lesquels firent par une bizarre reconnoissance representer à l’honneur de Jesus-Christ les spectacles du Cirque & du Theatre ? […] « C’est donc à Nôtre Seigneur, s’écrie ce digne Ecrivain, c’est à Jesus-Christ que nous offrons les jeux du cirque, & les representations des Comediens ? […] Mais ce ne fut pas cette intention des Idolatres, qui excita ici le zele de Salvien : il parla aux Chrêtiens, qui rapporterent ces spectacles à l’honneur de Jesus-Christ, bien loin qu’ils voulussent faire des sacrifices à Neptune, à Venus, ou à leurs passions.
« à considérer Jésus l’auteur et le consommateur de notre foi : ce Jésus, qui ayant voulu prendre toutes nos faiblesses à cause de la ressemblance, à la réserve du péché » Ibid, IV, 15. […] Jésus-Christ n’est pas pour cela demeuré sans agrément : « Tout le monde était en admiration des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche »Lc.VI. 22. […] C’est de là que naît dans les âmes pieuses, par la consolation du Saint-Esprit, l’effusion d’une joie divine ; un plaisir sublime que le monde ne peut entendre, par le mépris de celui qui flatte les sens ; un inaltérable repos dans la paix de la conscience, et dans la douce espérance de posséder Dieu : nul récit, nulle musique, nul chant ne tient devant ce plaisir ; s’il faut pour nous émouvoir, des spectacles, du sang répandu, de l’amour, que peut-on voir de plus beau ni de plus touchant que la mort sanglante de Jésus-Christ et de ses martyrs ; que ses conquêtes par toute la terre et le règne de sa vérité dans les cœurs ; que les flèches dont il les perce ; et que les chastes soupirs de son Eglise, et des âmes qu’il a gagnées, et qui courent après ses parfums ?
La raison qu’il en donne est que le Démon se trouve dans les spectacles qu’il a inventés ; ainsi c’est quitter Jésus-Christ pour reprendre le parti du Démon. […] Jésus-Christ n’a pas dit qu’il étoit la coûtume, mais qu’il étoit la vérité. […] Saltet, sed adulteræ filia ; Danse qui voudra, mais cela ne convient qu’à la fille d’une adultère : quant à la mère qui est sage & reconnue pour chaste, son emploi doit être d’apprendre à sa fille, non la danse, mais la religion & la morale de Jésus-Christ, Quæ verò pudica, quæ casta est, religionem doceat, non saltationem. […] Souvenez vous que ce n’est pas ainsi que vous avez été instruits dans l’école de Jésus-Christ ; si toutefois vous y avez bien appris ce qu’on vous y a dit selon la vérité de sa doctrine : Vos autem non ita didicistis Christum ; si tamen illum audistis & in ipso edocti estis, sicut est veritas in Jesu. On vous a enseigné que dans votre baptême vous aviez renoncé à Satan, à ses pompes, & aux maximes du siécle, pour ne plus vivre que de la vie de Jésus-Christ & imiter sa sainteté : considérez combien vous vous en êtes éloignés.