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487. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Plût à Dieu qu’elle y fût plus ancienne de deux cents ans ! […] Très indulgents envers nous-mêmes, nous regardons les Spectacles comme un aliment nécessaire à notre frivolité ; mais nous décidons volontiers que Genève ne doit point en avoir ; pourvu que nos riches oisifs aillent tous les jours pendant trois heures se soulager au Théâtre du poids du temps qui les accable, peu leur importe qu’on s’amuse ailleurs ; parce que Dieu, pour me servir d’une de vos plus heureuses expressions, les a doués d’une douceur très méritoire à supporter l’ennui des autres. […] Arnauld lui donna ainsi sa décision : « Il n’y a rien à reprendre au caractère de Phèdre, puisqu’il nous donne cette grande leçon, que lorsqu’en punition de fautes précédentes Dieu nous abandonne à nous-mêmes et à la perversité de notre cœur, il n’est point d’excès où nous ne puissions nous porter, même en les détestant.

488. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre V. Du Luxe des coëffures. » pp. 115-142

Cette lumiere étoit un vrai miracle que Dieu fit pour accréditer le saint Législateur : ex confortio Domini . […] C’est pour une femme un grand sacrifice, ses cheveux sont un de ses plus chers ornements ; la punition la plus sensible d’une femme adultere, usitée chez plusieurs nations, c’est de la raser ; & la premiere démarche d’une personne qui se consacre à Dieu, dans l’état réligieux, c’est de couper les cheveux : le même objet sert ainsi à punir le crime qu’il avoit engagé à commettre, & à pratiquer la vertu, à qui il faisoit courir bien des risques ; on peut à ces traits distinguer les personnes vertueuses de celles dont la vertu est équivoque, le soin, la parure des cheveux étant l’enseigne du vice & de la vertu.

489. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Du Fard. » pp. 143-168

Dieu permet que la santé ne souffre pas moins que les mœurs, des passions & des vices. […] Le fard est une enseigne de libertinage, dit Saint Jerôme ; senocinii commentum , ses couleurs empruntées effacent l’image de Dieu, & les vraies couleurs de la vertu : Picturis & coloribus deletur color virtutis imago Dei.

490. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre VIII.  » pp. 195-221

La plainte pleine de blasphêmes contre la Providence, sur ce qu’après un mariage secret, que son honneur, & la volonté de sa famille ont rendu nécessaire ; arrive la mutilation de son mari, qu’on traite du plus grand des malheurs, du plus cruel assassinat ; exclamation qui décéle honteusement ce que l’on cherche dans l’amour ; se peut-il que Dieu qui a toléré avec indifférence, nos plaisirs, avant le mariage, les empêche après que le Sacrement les a permis, & fasse subir à un mari, des châtimens qui ne sont dus qu’à l’adultere ? […] La ville de Milan offensoit grandement Dieu dans ces jours, elle étoit livrée habituellement à la débauche, & on eût dit que ce qui étoit péché mortel les autres jours, ne fut pas péché véniel ces jours là, & les Milanois élargissoient tellement la main aux deshonnêtetés, mascarades, comédies, spectacles vains & lascifs : qu’il y avoit à pleurer à chaudes larmes.

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