Mais, dit-on, les Magistrats eux-mêmes, protecteurs par état et interprètes des lois, vont sans scrupule à la comédie ; ils ne les croient donc pas si sévères, et sans doute vous en outrez la rigueur.
Je ne puis disconvenir qu’à comparer la Lettre avec mon écrit, il ne soit visible qu’elle en est tirée presque de mot à mot, et que par là ce que j’ai fait avec précipitation a donné malheureusement et contre mon dessein, ouverture à cette Lettre; Je n’ai jamais fait état d’imprimer mon écrit : il n’était pas composé avec assez d’exactitude pour prétendre le rendre public ; je ne m’étais pas assez instruit du sujet que j’y traitais, ni des autorités que j’apportais ou pour ou contre, entre autres de celle de S.
En attendant cet heureux retour au systeme de la Nature, dans l’état où se trouve la société, encore bien peu philosophe, il est difficile de comprendre le motif d’une suite d’éloge de deux hommes si peu faits pour être le pendant l’un de l’autre, l’un grand Archevêque, Prince du saint Empire, l’autre un misérable Histrion, venu des pilliers des halles, que son propre pere désavouoit, comme déshonorant sa famille. […] Ce prodige du siecle dernier, dit-il, étant presque le seul qui pût mériter d’être vu & d’être écouté sur le Théatre, étoit d’une autre part le seul qui méritât de n’y jamais paroître : homme en effet qui dans tout autre état que celui où son génie l’avoit jeté, eût été non seulement l’honneur de sa patrie, non seulement l’honneur & les délices de la société, mais un modelle du Christianisme même par l’austere probité & l’intégrité de ses mœurs. […] Corneille & Racine, fort supérieurs pour la religion & les mœurs, l’état, la naissance, qui jamais ne s’abaisserent jusqu’à être des Comédiens, le valoient bien, chacun dans son genre. […] Ce sont des Évêques, dira-t-on, que leur état oblige à tenir ce langage. […] Il défendit le spectacle à ses Prêtres Payens, comme contraire aux bonnes mœurs & à la sainteté de leur état, à l’exemple des Evêques & des Prélats de son temps, qui condamnoient unanimement la comédie.
Pourquoi aller au théâtre seroit-ce un scandale pour vous-mêmes dans des personnes de certain état & de certain rang ? […] sans qu’aucune considération ait pu faire excepter de cette sévere loi ce prodige du siecle dernier, dont pour faire en deux mots le portrait, on pourroit dire ce que disoit un sage Payen d’un auteur tout semblable : qu’étant presque le seul qui pût mériter d’être vu & d’être écouté sur le théâtre, il étoit, d’autre part, le seul de tous ceux qu’on y voit, qui méritât de n’y jamais paroître : homme, en effet, qui, dans tout autre état que celui où son génie l’avoit jetté, eût été non-seulement l’honneur de sa patrie par la beauté de son esprit, non-seulement l’amour & les délices de la société par la bonté de son cœur, mais un modele de Christianisme même par l’austere probité & l’intégrité de ses mœurs. […] Seroit-il innocent d’entretenir dans un état tellement abhorré par l’Eglise des ames rachetées du Sang de Jesus-Christ ?