On sentira aisément pourquoi il insinue tout doucement que les Tragiques Grecs pâssaient quelquefois la longueur que nous fixons à nos Drames.
On sent quelle beauté de coup-d’œil on donnerait, par ce moyen, à l’endroit le plus fréquenté de la Capitale, & le plus remarqué des Etrangers, qui se trouverait décoré de la manière la plus élégante, la plus convenable & la plus avantageuse.
On reconnaît déjà qu’on s’y est trompé ; on sent la nécessité de s’y prendre autrement ; et j’examinerai à loisir les règles que l’on peut s’y prescrire.
Cependant quand on fait attention au mal que l’Église aperçoit dans les spectacles, aux soins qu’elle prend d’éloigner ses enfants de tout ce qui peut nourrir des passions dangereuses, et à la condescendance qu’elle doit avoir pour les Chrétiens faibles, qui ne peuvent rompre leurs chaînes, et qui peut-être ne les sentent pas ; on voit alors que l’Eglise doit tolérer ceux qui vont aux spectacles, se contenter de punir les principaux Acteurs, et faire toujours exhorter les Fidèles à fuir les spectacles jusqu’à ce qu’ils soient désertés.
Qu’on ne dise pas que ces applaudissemens se rapportent plus au jeu de notre Melpomène qu’à ses paroles : les hommes d’aujourd’hui rougiroient de passer pour être moins impies qu’automates ; ils auroient honte de paroître se laisser plus transporter par ces cheveux hérissés d’horreur… ces regards égarés, ces sons de voix plus lents , par ce jeu de l’Actrice ; en un mot, que sentir tout le beau de la question, d’où le sçait-il ? Convenons-en plutôt, à la honte éternelle de nos déclamateurs ; ce sont là de ces beautés qui pourroient échapper à la lecture, mais qu’on ne peut s’empêcher de sentir aux théâtres. […] Projet infame que les théâtres d’Athênes & de Rome payenne, avec toutes leurs obscénités, n’ont jamais mieux rempli que les notres avec ce vernis d’honnêteté dont on prétend qu’ils sont couverts : que la couche en est légére, puisqu’il se fait si peu sentir ! […] de la manière la plus précise & la plus autentique….. que pendant quarante ans qu’il a exercé la profession de Comédien…. il a toujours senti dans toute son étendue le grand bien que produiroit la suppression entiere du Théatre….
Il n’y a point d’Ecrivain qui, en traitant des matieres neuves, n’ait senti plus de feu & plus de facilité que dans des sujets pris avant eux.
Ce n’est guères qu’en 1754. que l’Opéra de la Foire sentit l’utilité de la musique, & les agrémens des Ariettes.
C'est une vengeance que les hypocrites et ceux qui accusent leur prochain ne verront jamais, puisque, leurs crimes étant infiniment plus grands que ceux-là, ils doivent les premiers sentir les effets de la colère d’un dieu vengeur.
Tout cela sent bien le théatre : mais il est vrai que le Tasse avoit un esprit supérieur, un génie fécond, un talent surprenant pour la poësie. […] Le plaisir n’a pas besoin d’art, la nature le fait goûter, & en fait mieux que le poëte tracer les tableaux, & faire sentir l’agrément. […] Mais en louant la fécondité de l’imagination des uns & des autres, dans l’innombrable multitude de leurs contes, on ne sent pas moins que toutes ces fictions sont un vrai délire.
Après tout, les jeunes gens, encore plus que les autres, devraient s’interdire des divertissements où l’on expose à leurs yeux d’infâmes portraits, et tracés par des mains habiles : en se permettant ces amusements prétendus, ils risquent de sentir naître en eux des passions qu’on n’étouffe point sans peine, et qu’on ne contente en quoi que ce soit sans crime. […] Enfin il laisse quelque ressource à la modestie, il respecte la dignité de l’homme raisonnable, et fait assez sentir que la corruption des mœurs n’est point son objet. […] Je ne vois en lui qu’une expression qui sente l’obscénité ; c’est ce que Chrémès dit à Clitiphon.
Est-il permis d’assister aux spectacles dès qu’on ne se sent point atteint de la corruption qu’ils respirent ? […] On sent assez que ces gens n’allumoient point les passions, et n’amollissoient point les cœurs.
Elles ne se sentent que trop sans doute de la corruption qui régnoit parmi ce peuple idolâtre : mais sont-elles, en effet, plus licentieuses, plus dangereuses pour les mœurs, que celles qu’on représente aujourd’hui sur nos théâtres ? […] Oui, mes Frères, votre ame hors d’elle-même est, pour ainsi dire, entre les mains de ces habiles imitateurs de la nature : ils vous font ressentir leurs craintes, leurs désirs, leurs douleurs, plus véritablement qu’ils ne les sentent eux-mêmes.
Or, s’il y a du danger de s’accoûtumer à entendre des sentimens & des maximes contraires à la Religion que nous professons, si l’Eglise même employe son authorité, pour défendre la lecture des livres suspects, si la compagnie des personnes qui ont toûjours ces maximes dans la bouche, ou qui reglent leur vie selon ces sentimens, est dangereuse, parce qu’ils les inspirent à ceux qui les frequentent ; y aura-t-il moins de danger à les voir exprimer, representer, approuver, écouter les applaudissemens que l’on donne à ceux qui les font le mieux sentir, & qui les font entrer dans l’esprit par la beauté des vers, & des pensées si noblement exprimées ? […] Et ne me dites point que vôtre conscience ne vous reproche rien sur ce chapitre, & que vôtre experience ne vous a point encore fait connoître qu’il y eût du danger pour vous, & qu’ainsi vous ne regardez pas ces spectacles comme des occasions de peché, mais comme des divertissemens honnêtes & innocens : car ne sçavez-vous pas que comme il y a des poisons lents, qui n’ont leur effet qu’aprés un long temps, de même que peut-être vôtre esprit occupé presentement d’autres soins, ces passions dangereuses ne se font point sentir, ou que vous êtes comme Samson, qui croyoit qu’il se déferoit de ses liens, quand il voudroit ; mais il s’y trouva pris & arrêté, lorsqu’il s’y attendoit le moins.
Homme scandaleux, pouvez-vous vous le dissimuler, & puis-je mieux vous faire sentir la grandeur de votre faute ? […] Mais la premiere représentation a dû détromper ; ce qu’on y a vu, entendu, senti, a dû faire toucher au doigt & à l’œil le danger & le crime d’un spectacle où le vice domine, où les occasions naissent sous les pas, sur tout les femmes, qui naturellement plus pieuses & plus sensibles, ont dû être plus alarmées, & avant d’y aller par la vue de l’écueil, & après y avoir été par le soupçon ou plutôt la certitude du n’aufrage qu’elles y ont fait.
Fuyez les spectacles, les représentations passionnées : il ne faut point voir ce qu’on ne veut pas sentir ; la musique, la poësie, tout cela est du train de la volupté. […] La pudeur fut donc la premiere loi imposée au pécheur, dont il sentit si bien la nécessité qu’il se l’imposa lui-même.
Or, s’il y a du danger de s’accoûtumer à entendre des sentimens & des maximes contraires à la Religion que nous professons, si l’Eglise même employe son authorité, pour défendre la lecture des livres suspects, si la compagnie des personnes qui ont toûjours ces maximes à la bouche, ou qui reglent leur vie selon ces sentimens ; est dangereuse, parce qu’ils les inspirent à ceux qui les frequentent ; y aura-t-il moins de danger à les voir exprimer, representer, approuver, écouter les applaudissemens que l’on donne à ceux qui les font le mieux sentir, & qui les font entendre dans l’esprit par la beauté des vers, & des pensées si noblement exprimées ? […] Et ne me dites point que vôtre conscience ne vous reproche rien sur ce chapitre, & que vôtre experience ne vous a point encore fait connoître qu’il y eût du danger pour vous, & qu’ainsi vous ne regardez pas ces spectacles comme des occasions de peché, mais comme des divertissemens honnêtes & innocens : car ne sçavez-vous pas que comme il y a des poisons lents, qui n’ont leur effet qu’aprés un long tems, de même que peut-être vôtre esprit occupé presentement d’autres soins, ces passions dangereuses ne se font point sentir, ou que vous êtes comme Samson, qui croyoit qu’il se déferoit de ses liens, quand il voudroit ; mais il s’y trouva pris & arrêté, lorsqu’il s’y attendoit le moins.
Ils conçoivent, ils sentent les allégories les plus rafinées, et les connoisseurs affirment qu’il y en a tel et telle, parmi eux, qui disent une polissonnerie et lancent des œillades d’une manière que la Dugazon et la Guimard ne désavoueroient pas. […] Dans le dessein de bien apprécier et d’humilier les classes inférieures qui doivent aux vices des autres ordres l’extrême ascendant qu’elles ont pris, on compareroit la multitude françoise avec ces soldats d’Athènes prisonniers chez les Siciliens, auxquels ils récitoient les tragédies d’Euripide ; avec la populace d’Angleterre qui sent les vraies beautés de Skaspeare, avec le paysan Italien qui improvise en musique et en poësie, avec l’ouvrier Suisse qui a une bibliothèque ; on attendroit que la satiété des mauvaises choses ramenât les petits et les grands aux bonnes, ou l’on feroit des efforts pour se consoler de n’avoir perdu que le goût, quoiqu’il ne soit rien moins qu’étranger au bonheur des hommes policés.
La peine de l’infamie se fait sentir partout, et les Comédiens, en qui la loi en imprime la tache, la trouvent sur tous leurs pas. […] Richelieu le sentait, et cependant ne pouvait souffrir d’être blâmé ; il lui fallait partout des admirations et des éloges.
21.) une réflexion singulière, dont on ne peut dans notre siècle, que trop sentir la justesse. […] Le sixième livre est presque tout employé à faire sentir les crimes qui se commettent aux spectacles, qui suffiraient seuls pour attirer sur nous les punitions les plus rigoureuses.
Car me soutiendrez-vous que c’est par charité que vous l’accusez de piller ses meilleures pensées, de n’avoir point l’esprit inventif et de faire des postures et des contorsions qui sentent plutôt le possédé que l’agréable bouffon ?
Mais cette nuit ils ont surmonté l’attente de tout le monde, car elle a représenté dignement la constance de Sainte Cécile et au martyre et en la Virginité, et Fadrique a si ardemment reçu en soi les passions de Valérien que vous eussiez dit que le feu sortait par sa bouche, et un de ses rivaux a aussi fait le personnage de Tiburce avec tant d’art qu’il n’y a eu aucun des assistants qui n’ait senti des transports et des affections incroyables pour la foi et pour l’honnêteté.
On ne sent, dit-on, nulle impression dans l’âme : les âmes les plus pures et les plus mortifiées, les plus grands Saints même n’en diraient pas tant.
Il est inutile de s’étendre sur cette prétendue régle ; au premier coup d’œil on en sent tout le mérite.
Le rapport de l’expression aux pensées ne peut, à leur origine, se sentir que par l’Auteur même de ces pensées.
La comédie, renaissant aux quatorzieme & quinzieme siecles, à l’ombre de la dévotion & des mysteres, se sentit bientôt de la nature du théâtre.
Ces vertus austeres, rares dans les particuliers, si difficiles dans les princes, étoient d’autant plus admirables, que des passions violentes, un caractere indomptable, & le germe des vices qui s’étoient fait sentir dans sa jeunesse, sembloient y mettre des obstacles invincibles.
Il est aisé de sentir maintenant pourquoi notre Tragédie est si differente de celle des Grecs.
Ambroise a faits sur la pureté, on sent bien avec quelle sévérité il condamne la licence des peintures, la superfluité des parures, l’indécence des nudités, la dissolution des discours, la liberté des regards, la familiarité des conversations, la tendresse des sentiments, le poison des mauvaises compagnies, le mélange des deux sexes, etc.
et l’on doit sentir parfaitement enfin que, dans tous les intérêts, il est temps de mettre quelque frein à toutes ces mascarades des vices déguisés en vertus, courant les théâtres pour se faire voir et bafouer par le peuple convoqué ad se invicem castigandum ridendo ; et ce peuple érigé en tribunal de mœurs, je développe l’observation que j’en ai faite, est rassemblé confusément et en toutes dispositions, c’est-à-dire comprenant avec leurs passions, leurs goûts, leurs vices, leurs préjugés différents, leurs opinions, leurs systèmes et préventions diverses, tous les rangs, tous les états, tous les âges, les deux sexes, les amis, les ennemis, les parents, les enfants, les régnicoles, les étrangers, les clercs et les laïcs, les disciples de toutes les religions, pour les mettre alternativement aux prises ensemble, ou pour livrer ceux-ci à la risée de ceux-là, et vice versâ, afin de les corriger tous, les uns par les autres au moyen d’impressions ou mouvements intérieurs si divers, si brouillés, et du conflit bizarre de tant d’éléments contraires ; c’est presque à dire, afin de les entre-choquer de telle manière que le monde moral sorte tout façonné de ce nouveau chaos, ainsi que Descartes fait sortir le monde physique de ses tourbillons. […] J’engage les lecteurs qui ne sentiraient pas assez la faiblesse des raisons par lesquelles on veut prouver que les auteurs ne font pas cause commune ici avec les acteurs, à se rappeler les discussions et les dernières lois sur la liberté de la presse.
L’auteur sans doute, a senti cette absurdité, aussi a-t-il totalement défiguré cette avanture, par des épisodes qui font quelques diversions. […] Quelques Interprêtes prétendent, après le Texte Hebreu, qu’ils y employerent des parfums précieux de toute espece, préparés avec beaucoup d’art : mais le grand nombre d’après la Vulgate conserve l’idée de Courtisanne, qui est très-juste ; car il est vrai que les personnes de mauvaise vie usent de beaucoup d’odeurs, & des plus exquises, soit parce qu’elles favorisent la molesse & la sensualité, soit parce qu’elles empêchent de sentir les mauvaises odeurs, la mauvaise haleine qu’on contracte par la débauche ; ce qui a fait dire à Martial, il y a du mistère dans les parfums que vous portez, Non bene semper olet, qui bene semper olet.
Fils d’un pere Huguenot & d’une mere Catholique, étant malade à l’extrêmité, il refusa de voir des Religieux qui venoient l’exhorter, & envoya son valet dire à son pere qu’il mourroit Huguenot, & à sa mere qu’il mourroit Catholique, moyen de les consoler , dit-il, qui sent tout-à-fait son Athée . […] Nous avons seulement voulu faire sentir le caractere des amours du théatre, l’aveuglement & le malheur de ceux qui s’y livrent, même des plus grands Princes.
Quand il passe de la spéculation à la pratique, du général au particulier, & qu’il regarde le théatre tel qu’il est en effet (& tel qu’il a toujours été, & qu’il sera toujours), il démontre de la maniere la plus convaincante, & on sent bien qu’il parle du cœur par une conviction intime, que c’est une école du vice par la faute des Auteurs, des Acteurs & des spectateurs : circonstances qu’il est impossible d’écarter. […] Infortunée Melpomene, devenue esclave d’un fol amour, corrompue & corruptrice, rougissez de votre dégradation, gémissez de vos malheurs, si vous savez les sentir !
Tout prend en un mot le grand jour ; & le vice & la vertu ne sont pas plûtôt sous nos yeux qu’on se sent frappé d’indignation contre l’un, & du même coup épris de l’autre. […] Non : l’horreur du vice est naturelle & le goût ne s’en acquiere, s’il est possible de parler ainsi, que par un habitude consommée : j’atteste l’Univers entier qu’à la vue de quelque chose de mauvais on se sent intérieurement offensé. […] Les choses importantes ont cela de particulier, qu’en attirant nos soins elles sçavent les mériter : on le sent d’avance par l’espéce de feu & d’intérêt avec lequel on s’y attache ; au lieu qu’en fait de riens, de bagatelles, fussent-elles même d’un agrément sensible, on n’en a pas plûtôt ris, qu’on les oublie : eh pourquoi ?
L’Art est de sentir ce qu’il est a propos de faire & ce qu’on ne peut se dispenser de dire.