Pour moi je n’en avais pas une idée si haute, je croyais que ces sortes d’Ouvrages n’étaient bons que pour désennuyer l’esprit, pour l’accoutumer à la lecture, et pour le faire passer ensuite à des choses plus solides. […] Cela ne doit point empêcher vos amis d’achever sa Vie, qu’ils ont commencée, ils pourront même se servir de cette Histoire, et ils en feront un chapitre particulier, qu’ils intituleront De l’Esprit de discernement que Dieu avait donné à la Sainte Mère.
Il faut qu’il rappelle, autant qu’il est en lui, celles qu’il a ressenties, & que, s’il étoit chrétien, il auroit tellement noyées dans les larmes de la pénitence, qu’elles ne reviendroient jamais à son esprit, ou qu’elles n’y reviendroient point sans horreur ; & il faut qu’elles lui reviennent avec leurs graces & leurs agrémens meurtriers.
Car si elle ne l’eût pas endormi, elle lui eût, peut-être, tellement rempli l’esprit de quelque folle passion, qu’il aurait été facile au mauvais Génie de lui enlever ses Troupeaux.
n les défenseurs des spectacles « criaient que les renverser c’était détruire les lois » : mais ce Père sans s’en émouvoir disait au contraire, que l’esprit des lois était contraire aux théâtres : nous avons maintenant à leur opposer quelque chose de plus fort, puisqu’il y a tant de décrets publics contre la comédie que d’autres que moi ont rapportés : si la coutume l’emporte, si l’abus prévaut, ce qu’on en pourra conclure, c’est tout au plus que la comédie doit être rangée parmi les maux dont un célèbre historieno a dit qu’on les défend toujours, et qu’on les a toujours.
On trouve encore dans l’Ouvrage de ce pieux Prince autant de preuves de son zèle que de la beauté de son esprit.
Le mal a plus de force que le bien sur l’esprit de l’homme, et s’il se trouve une personne qui imite quelqu’une des vertus des Héros des Poètes, il y en a mille qui sont les imitateurs de leurs vices.
« Entrainé par ses amis à l’amphitéatre Vous pouvez, leur dit Alipe, faire violence à mon corps & me placer parmi vous ; mais vous ne disposerez pas de mon esprit ni de mes yeux, qui ne prendront assurément aucune part au spectacle.
C’est assez dit, pour fortifier mon esprit dans cette résolution, que je donnerais plutôt mon corps à mille croix, que mes oreilles à une seule comédie.
J’ai prouvé, si je ne me trompe, que le Théâtre est pernicieux dans l’état où il est aujourd’hui : il y aurait, dit-on, de l’inconvénient à le supprimer : mettons tout en usage pour le réformer au point d’en faire un amusement aussi utile qu’agréable ; car je suis persuadé que le Théâtre serait bien moins redoutable à la vertu, et qu’il produirait même un bien réel à la société, si, en y laissant les traits enjoués et les saillies d’esprit qui peuvent exciter à rire, on en faisait une Ecole de bonnes mœurs et, pour ainsi-dire, une Chaire publique où l’on débiterait, aux personnes de tout sexe, et de tout âge, les maximes de la plus saine morale, avec gaieté et sans les effrayer par l’appareil de l’austérité, et du pédantisme.
Sabatier, homme de beaucoup d’esprit, qui dit plus élégamment de pareilles vérités. Themire éloigne une parure Que la nature t’interdit, Que ta beauté Naïve & pure, Soit l’image de ton esprit. L’esprit qu’on aprête est sans grace, Dans ses erreurs il nous retrace, Sa foiblesse & son embarras. […] Quand on est si curieux d’étaler tous ces ornemens, on a des vues bien différentes, on n’en a guere que de criminelles : Illis hoc studium vulgò conquirit amantes ; pour moi très-satisfait des graces, de l’esprit, des talents dont vous êtes ornée, je vous trouve toujours très-bien, telle que vous êtes, tandis que vous serez éloignée des excès du luxe : His tu semper eris nostro gratissima visu.
Pour le faire commencer, comme toute l’Eglise, & parce que ça toujours été une ruse, & comme les filets du diable, que l’invention si pernicieuse des comédies, tragédies & spectacles prophanes & deshonnêtes, desquels les esprits remplis de diverses idees & representations, se départent, enflammés & frappés d’une ardeur diabolique. […] Je ne crois pas ces représentations convenables, elles nuisent aux mœurs, inspirent l’esprit du monde, donnent, le goût des spectacles, dissipent la jeunesse, lui font perdre beaucoup de tems, quoique moins rapidement & moins griévement que le théatre public ; mais il ne faut pas envénimer les choses même mauvaises, & calomnier même les coupables, même les Jésuites, quelque haine qu’on aie pour eux. […] Des nouveautés si contraires aux mœurs antiques, & à l’acienne Réligion, ont rémué les esprits, & fait dans la Ville une espece de schisme, le cri de la foi s’est fait entendre, la vertu à pris l’allarme, les vieillards, les gens sages, les gens de bien ont condamné le théatre ; les jeunes gens, les scenomanes, les merveilleux, les femmes galantes, ceux qui se piquent d’être le monde, ont pris hautement sa défense. […] Le théatre eût bientôt monté les esprits à la satyre, à la licence & la méchanceté.
Il fait naturellement naître les plus grandes idées ; il s’empare de l’imagination, & semble garantir l’élevation de l’esprit. […] Le luxe est le corrupteur universel des mœurs, dont il nourrit, étend & perpétue la licence, des ames qu’il amolit, des esprits qu’il dégrade, des corps qu’il énerve, de la religion qu’il détruit ; des sciences sérieuses & des arts utiles, dont il éteint le goût & l’étude, pour ne s’appliquer qu’à la frivolité qui flatte le vice. […] Cette domesticité établit l’esprit servile dans cette espece de nation plus nombreuse que celle qu’elle sert, & cependant les remplit d’une fierté & d’une ridicule molesse. […] Il peut se faire encore que des prudes qui ne veulent pas qu’on s’apperçoive que rien ne les fait rougir, se mettent du rouge pour cacher la force de leur esprit, & passer pour modestes, comme elles se mettent l’éventail devant le visage pour dérober les altérations qu’y cause la vue de leurs amans, la joie & les ris qu’excitent les choses indécentes dont elles veulent paroître allarmées.
Ce ne fut jamais l’esprit de S. […] Vous dont l’esprit & la grace légere, De sos destins embellissent le cours, Sur nous aussi jettez des yeux de mere. […] Aveu qui condamne l’esprit, le langage, la marche de toutes ces pieces, où, comme dans toutes les autres comédies, ces filles ne sont que des coquettes. […] Comment Favart n’a-t-il pas vu que, par ce mêlange mal-adroit de modestie & de licence, de bonne & de mauvaise morale, de passion & de pruderie, il se fait le procès à lui-même & à sa piece, & qu’il en a manqué le sujet, l’esprit, & presque tous les rôles ?
C’est l’esprit du théatre, & celui du libertinage : les crimes ne sont que des jeux. […] Si ce n’est pas là de la saine morale ni de la bonne tactique, il y a du moins de l’esprit de savoir couvrir ses goûts, ses passions, sa frivolité du voile du bien public. […] Je prens l’éloge d’un sot pour un affront : mais les éloges d’un homme d’esprit qui divinisent sans restriction un homme que la débauche & l’irréligion ont dégradé, ne sont-ils pas un affront à la religion & à la vertu, & ne blessent-ils pas les bonnes mœurs. […] La comtesse de Konismark sa mere, suédoise, d’une naissance distinguée, avoit le mérite des femmes, de la beauté, de l’esprit, des talens, faisoit des vers françois, médiocres à la vérité, mais assez bons pour une étrangere ; elle eut même des vertus, son cœur fut disputé quelque-temps.
Mais malgré ces nuances légères de modestie, c’est partout le même esprit ; le fonds et la forme sont toujours mauvais, et en général le métier et ceux qui le font méritent l’infamie dont la loi les couvre. […] Il n’eut jamais la confiance du public, le souvenir de sa vie passée le dégrada toujours, et quoiqu’il eût de l’esprit, il ne fut jamais qu’un médiocre Jurisconsulte, et mourut enfin très pauvre. […] ) On n’a pas à craindre qu’un Comédien entre au service, cette nation n’a de bravoure que sur le théâtre ; mais si par hasard quelqu’un se fût avisé de s’enrôler, il est certain qu’il n’eût été incorporé dans les légions et qu’il ne serait enrégimenté qu’à condition de quitter un métier totalement opposé à l’esprit du service. […] Rien au monde ne fournit ni plus de contrastes à l’esprit, ni plus d’antithèses au langage, et toutes justes, que les charges publiques et le métier de Comédien.
On ne trouve dans la piété, ni ce brillant du style, ni cette harmonie des vers, ni cette émotion de l’âme, ni cet amusement de l’esprit, ni cette légèreté de la danse, ni cette mélodie des airs vifs ou tendres qui enchantent sur le théâtre. […] » L’esprit du démon s’est emparé de ces lieux infâmes, ils sont pleins du démon et de ses anges : pourriez-vous vous y plaire ? […] Je n’en parle qu’avec peine, je voudrais ne pas même les connaître : « Piget malum illud, vel nosse. » On ne peut en rappeler le souvenir sans risque ; les autres péchés ne s’attachent qu’à une partie de l’homme : l’esprit est souillé par les pensées, les yeux par les regards, les oreilles par les mauvais discours ; tout se rend coupable à même temps au spectacle : « In theatre nisi reatu vacat. » L’œil, l’oreille, l’esprit, le cœur, tout est attaqué, saisi, corrompu à la fois ; gestes, attitude, parure, danse, chant, discours, sentiments, tout se réunit pour perdre les cœurs : la pudeur souffrirait d’en tracer le tableau : « Quis integro verecundiæ statu eloqui valeat ?
Un Spectacle où l’on est médiocrement ému, mais où les sens sont agréablement affectés ; où l’esprit débarrassé du soin & privé du plaisir de suivre une intrigue, peut donner toute son attention à de jolis airs, quoiqu’adaptés à des paroles vides, dut & devra toujours plaire à la plus légère des Nations : telles sont les Comédies-Ariettes. […] Ainsi, lorsque dans les Deux-Frères-Rivaux, Scapin menace sa sœur de la faire mettre entre quatre mutailles, & qu’Arlequin lui répond, qu’il vaudra mieux la faite enfermer entre quatre rideaux ; l’on rit & l’on applaudit à la naïveté de la répartie, dans un balourd, qui dit bonnement ce qu’il pense sans y entendre finesse : au-lieu que dans un homme d’esprit qui la donnerait pour une pointe, elle serait sifflée avec raison.
Mais quoi me dira-t-on en dernier lieu, peut-on prier sans cesse, et avoir toujours l’esprit tendu ? […] Qui a osé la lui offrir et s’en promettre récompense, les lumières de la conscience des amateurs du monde ne sont pas éteintes jusqu’à ce point, ils se contenteraient bien de n’en être pas punis, or c’est un principe certain que Dieu sera un jour le juste vengeur de tout ce dont il n’est pas l’auteur, et qu’il n’approuvera que ce qui aura été entrepris par le mouvement de son Esprit, « quorum non est author, justus est ultor »S.
Leurs effets sont donc tellement répugnants à leur préceptek en ceci que tout homme d’esprit mettra aussi peu de foi aux uns qu’aux autres. […] Siat vous ne changez les opinions erronées que vous avez conçues de nous et de notre profession, je croirai que votre malicieuse ignorance a de beaucoup surpassé la pieuse science des gens de bien que j’ai allégués en notre défense, en la créance desquelsau je me résoudraiav de continuer cette profession pour y chercher ma perfection, tenant mes labeurs bien employés et mes travaux mieux salariés que je n’oserais espérer, pourvu que le contentement de vos esprits, illustres spectateurs, suive d’aussi près mes souhaits que mon désir suit la recherche de votre bienveillanceaw.
Le Père Laurent de Peirinis, fameux Minime, dans son Traité sur l’esprit et les règles de son Ordre (Q. […] Si le Concile n’en parle pas, c’est que ce goût universel de poésie, de bel esprit, de spectacle, ne s’était pas encore répandu dans le monde et introduit dans les Communautés : une éducation moins frivole et moins mondaine n’avait pas tourné les esprits vers la bagatelle et le plaisir ; mais, grâce au nouvel enseignement que vit naître la fin du seizième siècle, et qui s’est si fort accrédité dans les suivants, on voit plus d’acteurs et de beaux esprits que de Chrétiens. […] Tel est l’esprit de S.
Ils ajoutent tous deux, qu’ils n’y vont que dans le seul dessein de se récréer et de se délasser l’esprit par un divertissement, qui leur paraît innocent : les Comédies d’aujourd’hui étant beaucoup châtiées et beaucoup plus sérieuses et plus honnêtes, que ne l’étaient les pièces de Théâtre des siècles passés : et qu’enfin c’est une coutume reçue dans tous les pays les mieux policés, sans même excepter Rome, où est le premier Siège de la Religion. […] Il est vrai, que les anciens Pères, en parlant de la sorte, avaient principalement en vue certains jeux de théâtre, qu’on appelait Majuma, dont les Empereurs firent retrancher ce qu’il y avait de plus dissolu, et de plus honteux : mais quelque réforme qu’on y ait fait, saint Chrysostome ne laisse pas de les appeler des écoles d’adultère et de libertinage : non pas qu’on représentât des actions sales sur le théâtre, ce que ces pieux Empereurs n’auraient pas souffert ; mais parce que les Comédiens de l’un et de l’autre sexe ne s’étudiaient qu’à se servir de paroles et de gestes affectées, qui n’étaient propres qu’à remplir l’esprit de mille idées impures et le cœur de mauvais désirs. […] La cinquième qui doit frapper davantage tout esprit raisonnable, est, qu’il est honteux et indigne de la sainteté de l’état d’un Religieux, qu’il se travestisse en femme, en Roi, ou en Courtisan, et qu’en cela il représente un personnage qui ne convient qu’à des Arlequins, et à des Bouffons.
Ces deux points de vue, si diamétralement opposés l’un à l’autre, ont suspendu quelque temps mon sentiment sur cette Tragédie, et m’ont fait hésiter plus d’un jour à la rejeter ou à la conserver : car telle est l’extrémité où je me trouvais réduit par les inconvénients qui se présentaient à mon esprit des deux parts. […] Martelli, Italien : c’est une étude digne d’un homme d’esprit et de goût, que de comparer à l’original Grec les imitations des deux Poètes que je viens de nommer, et d’examiner l’art avec lequel chacun d’eux a tourné, selon son génie, la Tragédie d’Euripide : pour moi j’admire également tous les deux ; car, en suivant des routes très différentes, chacun d’eux a réussi parfaitement, et a trouvé moyen d’ajouter des beautés nouvelles à l’original Grec : cet examen et les remarques qu’il ferait naître fourniraient aisément matière à une dissertation très curieuse, et surtout utile pour les Poètes ; mais je reviens à mon sujet. […] Dans Titus et dans Tiberinus, l’amour de la Patrie, ce qu’ils doivent à leur père, le soin de leur propre gloire, tout est faible et impuissant contre l’excessive passion qui les domine et qui subjugue leur cœur et leur esprit : cette passion est punie, comme elle le mérite, par la mort des deux frères ; et c’est là le cas unique où l’on peut, sans risque, la représenter sur le Théâtre.
C’est par une suite de la foiblesse de l’esprit humain, que dès que quelques hommes ont fait un pas en avant dans la carriere, les autres aussitôt se sont occupés à les considérer & à voir s’ils n’ont point voulu indiquer quelques routes nouvelles. […] La seconde la corruption du goût & des mœurs ; & la troisieme est l’esprit d’indépendance & d’une vaine Philosophie, qui affecte de fouler aux pieds toute espece d’ordre & de regle, & qui semble caractériser l’esprit de notre siecle. […] Enfin l’esprit d’indépendance, les opinions particulieres & à foi, les écrits contre les Loix, contre les Lettres & les Arts eux-mêmes, & la désunion dans les assemblees, y ont porté les derniers coups. […] & combien l’esprit de systême entraîne d’inconséquences !
La plus jolie femme ferait peu d’impression sur les cœurs, si quelques vertus & de l’esprit n’achevaient d’embellir ses attraits.
Un instant plus tard, j’étais deshonoré dans son esprit ; elle venait de tout apprendre, je ne sais comment ; si la première elle eût entâmé ce discours, moi-même, je me fusse cru forcé par la nécessité ; je n’aurais pu m’honorer à mes yeux de ma franchise & de mes remords… Le mystère qu’elle découvrait, l’idée d’enlever… à la plus vertueuse épouse, le cœur de son mari… cette idée parut lui faire horreur.
Votre Ballet allégorique, Mes Pères, ne nous faisant voir que de l’empressement de son côté, si on s’en tient là, n’a-t-on pas sujet de croire qu’il n’a été poussé à faire ce changement d’un petit Evêché à un Archevêché considérable, que par un esprit d’avarice et d’ambition. « Apparet eos, dit le Concile de Sardique, avaritiæ ardore inflammari et ambitioni servire, et ut dominationem agant.
7. « Dans les effets que les Spectacles produisent infailliblement au regard même des personnes les plus innocentes, une grande dissipation d'esprit, un éloignement des choses de Dieu, une froideur pour la Prière, un dégoût des Livres de piété, un amour du monde.
Des deux réflexions qui composent la dernière partie, on n’aurait point vu la plupart de la dernière, et l’Auteur n’aurait fait que la proposer sans la prouver, s’il en avait été cru, parce qu’elle lui semble trop spéculative, mais il n’a pas été le maître : toutefois, comme il se défie extrêmement de la délicatesse des esprits du siècle, qui se rebutent à la moindre apparence de dogme, il n’a pu s’empêcher d’avertir dans le lieu même, comme on verra, ceux qui n’aiment pas le raisonnement, qu’ils n’ont que faire de passer outre.
Mais on peut voir l’esprit de Saint Antonin sur ces dangereuses tendresses de nos théâtres, lorsqu’il réduit la musique Ibid.
Rome étoit animée du même esprit à l’égard des Acteurs Dramatiques. S’ils étoient bons, ils étoient applaudis ; ces applaudissemens devoient inspirer du goût pour leur profession ; mais cela étoit contre l’esprit de la loi, qui ne vouloit pas qu’on s’exagérât le mérite des Acteurs.
Quelle doit être la corruption de votre ame, bien plus grande que ne le seroit celle du corps, puisque l’esprit est d’autant plus facile à recevoir l’impression du mal, qu’il l’aime & le désire ! […] Mais c’en est assez pour connoître l’esprit de cet homme admirable, & d’après ses oracles porter sur le théatre le jugement que dictent la raison, la religion & la conscience.
car il n’y a point de milieu : ce n’est pas que la Religion Chrétienne ne connoisse & ne permette certains délassemens, & de corps & d’esprit, sans lesquels les travaux paroîtroient rebutans, & la vertu trop farouche ; mais ces sortes de délassemens ne sont permis que pour en venir à une devotion plus serieuse, & la Religion n’en reconnoît point d’autre fin. […] où vous ne donniés à vos sens que le triste ; mais solide plaisir de la mortification, où vôtre esprit ne s’occupoit que des choses du Ciel, où vôtre bouche ne prononçoit que des protestations d’une nouvelle fidelité, où vôtre voix ne servoit qu’à entonner des Cantiques sacrés, où l’on ne mangeoit que pour vivre, où l’on ne faisoit ensemble quelques repas sobres & mediocres, que pour serrer plus étroitement les nœuds sacrés d’une commune charité, où l’on ne parloit que de souffrances, que d’austerités, que de pénitence, où l’on s’entrexhortoit au martire, où l’on se préparoit à la mort par la pieuse lecture des consolantes verités de l’Ecriture, ou par la meditation des souffrances de Jesus-Christ.
Sully n’aurait vu dans les spectacles que ce que tous les gens sages y voient : un délassement utile et nécessaire, le seul digne d’occuper des gens sensés et de leur faire moins regretter le loisir qu’ils sont forcés de donner à la réparation de leurs forces, et de la tête et de l’esprit. […] Sully n’aurait pas manqué de dire : « Je vois que les travaux des Genevois cessant d’être leurs amusements, aussitôt qu’ils auront un Bal public, […] il y aura chaque jour un temps réel de perdu pour ceux qui assisteront à ce Bal ; et l’on ne se remettra pas à l’ouvrage, l’esprit rempli de ce qu’on aura vu, ou de ce qu’on aura fait : on en parlera, ou l’on y songera.
Il est encore certain que la scène était alors très épurée : les Empereurs Chrétiens en avaient banni l’idolâtrie et la licence, le Gouverneur de Milan (la Ligurie) ni son père ne l’auraient pas souffert dans leur gouvernement, et le crédit que ce Saint eut sur l’esprit de cinq Empereurs, dont trois l’appelaient leur père et ne se conduisaient que par ses avis, ne permet pas de douter que le théâtre de son temps ne pût aussi bien que le nôtre, se servir, pour l’autoriser, du spécieux prétexte de la prétendue réforme. […] Il les fait voir ces dangers, et dans les pompes du luxe, qui fascinent les yeux, et dans les attraits des femmes, qui séduisent le cœur, et dans le poison des discours qui offusquent les esprits, et dans le torrent des mauvais exemples qui entraînent l’âme, et dans l’oisiveté de la vie et la frivolité des amusements qui corrompent tout.