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44. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE VII. Histoire des Cas de Conscience. » pp. 159-189

Il est vrai encore que Moliere par une fin digne de lui, passa du théatre au tombeau ; il changea les brodequins en suaire, sans donner le moindre signe de répentir, au lieu que Racine & la Fontaine se convertirent sincérement, & montrerent les plus vifs regrets d’avoir composé ces mêmes ouvrages dont ils avoient pris dévotement la défense, d’autant plus croyable, que ce qu’ils ont dit allant paroître devant le juge des vivans & des morts, qu’ils prononçoient contre eux-mêmes, & que le voile de la passion & du préjugé s’élevoit pour eux. […] Moliere & la Fontaine sont les sages directeurs qui réglent & qui tranquilisent la conscience délicate des acteurs & des actrices, & Racine qui, quoiqu’exempt de toute grossiéreté, ne respire & n’inspire que la passion la plus vive, la plus rafinée, & la plus dangéreuse : Il faut que le théatre donne autant d’effronterie qu’il répand d’aveuglement. 4°.  […] On pourroit l’espérer sur des objets dont les attraits font médiocres ; mais s’exposer volontairement sans nécessité, contre la défense de l’Eglise, aux occasions prochaines, aux plus vives sensations, aux objets les plus séduisants, s’y croire en sureté, s’y dire innocent, ce sont des paradoxes que la morale la plus relâchée n’adoptera jamais. […] La confession de certains péchés faite aux Prêtres, la découverte de ses blessures, de ses infirmités, aux médecins, quelquefois avec la plus vive douleur, ne sont pas sans danger. […] Le second jour Herode Agrippa vint de bon matin se montrer sur le théatre avec un habit magnifique, dont le fonds étoit d’argent, & travaillé avec tant d’art, que lorsque le soleil levant le frappa de ses rayons, il éclata d’une si vive lumiere, qu’on en étoit ébloui.

45. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre III.  » pp. 68-96

Lé jeune Bacon qui representoit l’Amour, & la Chammelé qui représentoit Psiché, se surpasserent dans leurs roles : ils jouoient d’après nature, ils avoient l’un pour l’autre la plus vive tendresse ; leurs talens supérieurs ne furent employés qu’à mieux marquer les sentiments de leurs cœurs : ces avantures ne sont pas rares au théatre. […] Que vous êtes différentes des anciennes Subines, (nous disons des véritables Chrétiennes,) elles avoient plus de soins de cultiver leur champs que d’enluminer leurs joues ; avec leur tein naturellement vif, & haut en couleur, elles coupoient le bois nécessaire à leur feu, elles enfermoient les brebis que leurs filles venoient de garder, & assises sur un escabeau leurs doigts grossiers filoient le reste du jour : Cum matrona premens actum rubicunda sedite, assiduo durum pollice nebat opus. […] La blancheur est ici une beauté, c’est ailleurs un beau noir, tournez à droite, c’est un rouge vif, à gauche un jaune pale, plus loin c’est la couleur de cuivre ; l’un aime le bleu, l’autre l’olivâtre, quelqu’autre le verd ; bien de sauvagesses pour réunir toutes les graces des diverses couleurs se sont un visage comme la veste d’arlequin, de toutes les couleurs, artistement distribuées. […] Les Incas du Perou avoient défendu l’usage du vif argent ; comme nuisible à la santé ; mais ils permettoient le vermillon, dont leur femmes étoient passionnées. […] Les sauvages de l’Amérique, entr’autres les Caraïbes & les Topinamboux prennent cette sage précaution, ils se peignent tout le corps de rocou, qui leur donne une couleur vive & brillante d’écarlate, sans quoi l’on est comme l’âne de la Fontaine, qui s’étoit couvert de la peau du lion.

46. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

Elles ne peuvent que la détruire, et causer la plus vive douleur de l’offense de Dieu, et les remords les plus amers. […] Il s’étend beaucoup sur la gravité convenable au chant de l’Eglise, la manière respectueuse dont on doit l’exécuter, et les dangers d’une musique molle, efféminée, trop vive et légère, ordinaire à la musique profane, qu’il traite de nouvelle, c’est-à-dire peu connue de son temps. […] Il est bien des sortes de tableaux : la prose est moins vive que la poésie ; l’harmonie, la mesure, la hardiesse des images, des figures et des inventions rapproche plus de la nature ; la peinture, plus frappante que la poésie l’est moins que la sculpture, qui rend la figure au naturel. Mais la représentation théâtrale réunit tout, enchérit, l’emporte sur tout : ce sont des hommes et des femmes véritables, qui parlent, sentent, agissent ; c’est à la fois la poésie, la danse, la musique, la peinture, la sculpture, mille fois plus vives que sous les plus savantes mains, puisqu’elles sont animées. […] A plus forte raison ces tableaux animés, si chargés et si vifs, doivent être d’autant plus religieux et modestes, que leurs effets sont plus rapides.

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