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2. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — SECONDE PARTIE. Si les Comédies Françoises ont atteint le vrai but que se propose la Comédie. » pp. 34-56

Voyons maintenant si nos Auteurs se sont attachés plutôt à peindre la maniere d’être extérieure du vice, que le fond du vice ; ou, ce qui revient au même, s’ils se sont appliqués à rendre le vice ridicule, plutôt qu’à en donner de l’horreur : de cet examen naîtra la décision de cette seconde question. […] Il s’en suivra nécessairement de cette maniere de juger des François, que le vice exempt de ridicule cessera d’être un vice, & que la vertu revêtue de ridicule cessera d’être une vertu. […] Il en résulte que la vertu n’ose se montrer, & que le vice va tête levée. […] Mais les vices en existent-ils moins pour être moins difformes ? […] Il s’agit donc d’examiner quelle route à suivie Moliere pour corriger les hommes ; s’il a plutôt fait la guerre au fond du vice qu’au ridicule du vice, c’est-à-dire, toujours suivant mon premier principe, s’il s’est plutôt attaché à inspirer de l’horreur pour le vice, qu’à le rendre ridicule.

3. (1668) Les Comédies et les Tragédies corrompent les mœurs bien loin de les réformer. La représentation qu’on fait des Comédies et des Tragédies sur les Théâtres publics en augmente le danger. On ne peut assister au spectacle sans péril « Chapitre X. Les Comédies et les Tragédies corrompent les mœurs, bien loin de les réformer. » pp. 185-190

Outre cela, quoiqu’en disent les Poètes, leur dessein est plutôt de rendre le vice aimable que honteux. […] Cependant le Poète qui veut intéresser ses auditeurs dans la fortune de Pamphile et de Glycérie, fait paraître ces deux jeunes gens aimables ; il en fait à la fois un monstre de vertu et de vice, ou plutôt un composé de vices effectifs sous des vertus apparentes, pour le rendre aimable ; de sorte que bien loin que des jeunes gens conçoivent de la honte de ces sortes d’amours, ils souhaiteraient ressembler à ces deux amants, dont les amours réussissent. […] Les vices dont elle donne de l’horreur, paraissent horribles d’eux-mêmes sans artifice. […] Mais tous les autres vices, comme la haine, la vengeance, l’ambition, l’amour, y sont peints avec des couleurs qui les rendent aimables, comme nous avons remarqué. […] Le mal a plus de force que le bien sur l’esprit de l’homme, et s’il se trouve une personne qui imite quelqu’une des vertus des Héros des Poètes, il y en a mille qui sont les imitateurs de leurs vices.

4. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [B] » pp. 380-390

Enfin le vice n’appartient à la Comédie, qu’autant qu’il est ridicule & méprisable. […] D’abord on osa mettre sur le Théâtre d’Athènes, des Satyres en action ; c’est-à-dire, des Personnages connus & nommés, dont on imitait les ridicules & les vices : telle fut la Comédie ancienne. […] Là ce ne sont point des ridicules courans ; ce sont des singularités personnelles, qui donnent prise à la plaisanterie ; & le vice dominant de la Société, est de n’être pas sociale. […] La politesse gaze les vices ; mais c’est une espèce de draperie légère, à travers laquelle l’œil clairvoyant des autres les découvre sans peine. […] C’est le but que se propose la Comédie ; & le Théâtre est pour le vice & le ridicule, ce que sont pour le crime les Tribunaux où il est jugé, & les échafauds où il est puni.

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