/ 247
44. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

C’est un homme qui sait aimer et estimer tout ce qui mérite de l’être, c’est un homme qui méprise et déteste la débauche et l’impureté, mais qui se permettra d’aimer tendrement une épouse vertueuse, qui fuira les ivrognes, mais qui se permettra pour la réparation de ses forces et le bien de sa santé, un usage modéré de sa bouteille ; qui fuira la fureur du jeu, mais qui n’en fera pas moins sa partie avec des amis de sa trempe, sans désirer le gain et regretter la perte, qui sera attentif à ses intérêts, vigilant dans son commerce, économe dans sa dépense, mais qui loin d’être avare emploiera le superflu de sa fortune à soulager les malheureux, à gagner le cœur de ses mercenaires et de ses domestiques par des libéralités encourageantes et bien placées : c’est un homme enfin pieux et charitable, sans hypocrisie, qui se contente de donner à Dieu les moments qu’il exige, et le reste du temps à ses affaires. […] On le serait donc à proscrire l’Evangile, parce que depuis le temps qu’on le prêche aux hommes on ne les a pas encore rendus tous sages, vertueux et bons Chrétiens. […] Je ne sais si la bonne ou mauvaise opinion qu’on prendrait du cœur d’un Peuple ne serait pas fondée légitimement sur le goût de ses spectacles, il est certain, à ce qu’il me semble, que celui qui se laisse toucher d’horreur ou de pitié par des tableaux moins effrayants et moins atroces sera celui en faveur duquel on doit présumer qu’il est plus humain, plus vertueux, plus sensible, et par conséquent plus facile à corriger de ses défauts, puisqu’il faut des ressorts moins violents pour l’émouvoir et le toucher. […] Pour prouver que « le Théâtre purge les passions qu’on n’a pas et fomente celles qu’on a »ad , vous dites qu’on n’ose mettre sur la scène « un homme droit, vertueux, simple, grossier et sans galanterie, qui ne dit point de belles phrases »ae , il y a cependant longtemps que Molière a produit cet homme sur la scène. […]  : La citation exacte est la suivante : « Qu'on mette, pour voir, sur la Scène Française, un homme droit et vertueux, mais simple et grossier, sans amour, sans galanterie, et qui ne fasse point de belles phrases ; qu’on y mette un sage sans préjugés, qui, ayant reçu un affront d’un Spadassin, refuse de s’aller faire égorger par l’offenseur, et qu’on épuise tout l’art du Théâtre pour rendre ces personnages intéressants comme le Cid au peuple Français ; j’aurai tort, si l’on réussit. » ad.

45. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE IX. Spectacles de la Religion. » pp. 180-195

Il compare les efforts des gens vertueux à ceux des gens qui couroient dans la lice pour obtenir la couronne, & dont un seul la remportoit : Qui in stadio currunt, omnes quidem currunt, unus accipit bravium. […] Les gens vertueux, assidus dans nos temples, vont-ils au spectacle ? […] Il lui a formé une compagne aimable, semblable à lui, qu’il lui a unie par des liens indissolubles ; il lui fait naître d’autres lui-même qui lui font tous les jours goûter les douceurs de la société, les charmes de la tendresse & du respect ; il peut avec des amis vertueux, par un commerce de sentimens, de services & de plaisirs, goûter des délices pures & innocentes ; des exercices honnêtes, un travail conforme à son goût & selon ses talens, n’est pas moins utile à sa santé qu’amusant & récréatif ; la campagne lui déploie ses richesses, & paye avec usure le soin qu’il prend de la cultiver, les arbres lui présentent des fruits, les prairies font éclorre des fleurs, les troupeaux font couler des ruisseaux de lait, il peut déclarer une guerre innocente aux habitans de l’air.

46. (1715) La critique du théâtre anglais « PREFACE DE L’AUTEUR » pp. -

Il n’est rien tel pour cela que de renverser les principes de conduite ; la pratique suivra à coup sûr ce renversement : car n’avoir aucun bon principe, c’est n’avoir aucune raison d’être vertueux.

/ 247