On n'en devient pas plus vertueux, pour voir sur le théâtre la vertu récompensée. […] Mais nous ne rappelons (au Pérou) que la mémoire des plus sages et des plus vertueux. […] La nôtre, plus favorisée du ciel, chérit le bien par ses propres traits : il ne nous faut que des modèles de vertu pour devenir vertueux. […] Que ce métier doit coûter à un homme vertueux ! […] Dans l'école et la morale du théâtre au contraire, il faut étaler et embellir les forfaits, exercer les gens dans les lieux infâmes, les lier aux mauvaises compagnies, pour les rendre vertueux.
Ruse du Diable de persuader qu'en la vie vertueuse il n'y a que mélancolie et tristesse. […] Pour donc contrecarrer cette mauvaise impression que Satan met dans les esprits, qu’on défend de jouer et de se recréer, à tous ceux qui entreprennent la vie dévote et vertueuse, et qui renonçant au Diabolique parti du monde, suivent celui de Dieu. […] 30 Et saint Paul a assuré, « que le pécheur qui fait mal n’a que peine et angoisse, l’homme vertueux gloire, honneur, paix, joie et repos en son âme» . […] Différant à parler de la première joie, qui est intérieure, et qui accompagne toujours celui qui vit bien, de laquelle je traiterai en la sixième Partie de ce premier Tome ; je ne m’arrête ici qu’à la seconde, et prouve en ce paragraphe, que tant s’en faut qu’on défende aux âmes vertueuses ces honnêtes récréations corporelles, que plutôt on les leur conseille, et on se plaint si elles les refusent, et se bandent trop l’esprit. […] Ruse du Diable de persuader qu'en la vie vertueuse il n'y a que mélancolie et tristesse.
au lieu qu’il faudrait apprendre aux jeunes gens à se défier des illusions de l’amour, à fuir l’erreur d’un penchant aveugle qui croit toujours se fonder sur l’estime, et à craindre quelquefois de livrer un cœur vertueux à un objet indigne de ses soins. […] « Cependant ce caractère si vertueux est présenté comme ridicule ; ce qui démontre que l’intention du poète est bien de le rendre tel, c’est celui de l’ami Philinte, qu’il met en opposition avec le sien. […] Qu’on ait donc soin d’inculquer de bonne heure aux jeunes gens qu’ils ne sont point faits, comme de vils animaux, pour se procurer des sensations voluptueuses ; que leur raison est le flambeau qui doit les éclairer ; que cette raison, épurée par la religion, dicte des devoirs ; que la satisfaction qui provient des actions vertueuses est le plus grand de tous les plaisirs, et le seul permanent ; qu’un homme qui néglige sa raison est plus à craindre que celui qui renoncerait volontairement à l’usage de ses yeux ; qu’il est aussi impossible d’être heureux avec une âme souillée de vices, que de se bien porter avec un corps couvert d’ulcères ; que la science est la source des biens, comme l’ignorance est la source de tous les maux. » « On nous dira peut-être que le théâtre épuré par le goût et la décence est devenu pour les modernes une école de mœurs. […] Sans doute on ne peut que louer l’intention de ceux qui voudraient de bonne foi qu’on réformât les spectacles pour y ménager, à la faveur du plaisir, des exemples et des instructions sérieuses pour les rois et les peuples ; mais qu’ils songent que le charme des sens est un mauvais introducteur des sentiments vertueux.