Ce Sannyrion vivait, je crois, cent ans auparavant Aristote, qui florissait 384. ans avant que la Réligion chrétienne fut connue, & lorsque la Tragédie venait de prendre une forme convenable. […] Le Chœur des Grenouilles, Comédie d’Aristophane & celui des Euménides ronflantes dont je viens de parler, ressemblent, on ne peut d’avantage, au fameux trio de hi ho hin ha du Maréchal-ferrant, dans lequel on imite le braiment de l’âne.
J’en suis certain, le Père de notre Tragédie, s’il avait vécu de nos jours, l’aurait aussi été de l’Opéra-Bouffon ; le passage que je viens de rapporter en est une preuve, Boileau nous apprend pourquoi ce Spectacle nous fait tant de plaisir. […] Voici ce que dit le fameux Rhéteur Longin ; « Les grands mots, selon les habiles gens, sont en effet si peu l’essence entière du Sublime, qu’il y a même dans les bons Écrivains des endroits sublimes dont la grandeur vient de la petitesse énergique des paroles3. » Si l’on voulait récuser l’Auteur Grec que je viens de citer, sous prétexte de son ancienneté, & que les goûts ne sont plus tels qu’ils étaient autrefois, le témoignage de Boileau montrerait que les Auteurs Modernes sont du même avis. […] Il résulte de tout ce que je viens de dire, que nous ne saurions trop aimer cet agréable Spectacle.
Ces derniers, dont il nous reste des représentations sur une infinité de monumens antiques, n’ont aucuns des défauts dont nous venons de parler. […] Par exemple, si le Père dont on vient de parler, entrait content sur la Scène, il présentait d’abord le côté de son masque dont le sourcil était rabatu ; & lorsqu’il changeait de sentiment, il marchait sur le Théâtre, & fesait si bien, qu’on ne voyait plus que le côté du masque dont le sourcil était froncé, observant dans l’une & dans l’autre situation, de se tourner de profil.