Si les peintures immodestes ramènent naturellement à l’esprit ce qu’elles expriment, et que pour cette raison on en condamne l’usage, parce qu’on ne les goûte jamais autant qu’une main habile l’a voulu, sans entrer dans l’esprit de l’ouvrier, et sans se mettre en quelque façon dans l’état qu’il a voulu peindre : combien plus sera-t-on touché des expressions du théâtre, où tout paraît effectif : où ce ne sont point des traits morts et des couleurs sèches qui agissent, mais des personnages vivants, de vrais yeux, ou ardents, ou tendres et plongés dans la passion : de vraies larmes dans les acteurs, qui en attirent d’aussi véritables dans ceux qui regardent : enfin de vrais mouvements, qui mettent en feu tout le parterre et toutes les loges : et tout cela, dites-vous, n’émeut qu’indirectement, et n’excite que par accident les passions ?
Personne ne nie que les désordres de la Comédie, contre lesquels les Pères ont employé leur zèle et leur éloquence, ne fussent des désordres véritables.
Le véritable Oreste ; le véritable Ninus auroit-il assisté à une tragédie où l’on auroit représenté son parricide, seroit-il monté sur le théatre, en auroit-il joué le personnage ? […] J’en dis de même des femmes ; la véritable Phedre, la véritable Aricie auroient-elles voulu jouer leur rôle ?