Mais on se trompe de dire que l’Evangile, que l’Ecriture sainte ne défendent nulle part ces divertissements profanes.
Or, cette avidité pour les plaisirs, sans cesse renaissance dans les jeunes-gens, & plus souvent trompée que satisfaite, les rend tout à-la-fois bourreaux de leurs tems & de leurs sens. […] Qui trompe les femmes, dit un Ecrivain judicieux de nos joursDrame d’Eugenie, par M. de B. […] Non, l’infame Avarice ne doit plus se flatter de tromper la vigilance paternelle des Maurepas 38, des Amelot, des Miromesnil & des d’Aligre : ces illustres Ministres, dépositaires de l’autorité du plus aimé des Rois, ces grands Magistrats, dont nous chérissons & admirons les vertus patriotiques, vont, sans doute, s’empresser de porter les premiers & les derniers coups à ces Spectacles corrupteurs, dignes, à la fois, de la stupide ignorance & de la grossiereté barbare de ces siecles reculés, dans lesquels, cependant, on chassa du sein de l’Etat, les Farceurs & les Histrions, comme des pestes publiques. […] Mais, Monsieur, dites-moi, je vous prie, quel peut être le but moral de pareils amusemens, & quelle nécessité y a-t-il que les gens infames, les débauchés & les frippons, trouvent dans le sein de la Capitale des lieux où l’on débite impunément leur affreuse morale, où leurs odieux principes circulent de bouche en bouche, sont reçus & applaudis, où les complices du libertinage public, traînent sur leurs pas des errans & des vagabonds, qui souvent vivent crapuleusement à leurs dépens, & des sots qu’elles trompent de toutes les manieres, des lieux, enfin, où l’on arrange le jour les parties de la nuit, parties conclues, dirigées, exécutées par la crapule, parties dont il résulte tant de chagrins pour les familles les plus honnêtes, tant d’accidens qui troublent le bon ordre, tant de pertes pour l’Etat, & sur-tout ce scandale, qui, porté à son comble, semble braver les Loix qu’il irrite & qui s’élevent en vain depuis si long-tems contre-lui ? […] Mais en cela ils se trompent : la vie licencieuse de quelques Acteurs & Actrices, n’est pas plus le crime du Théatre, que les désordres de quelques membres d’une autre société quelconque ne sont le crime de cette même société.
Le nombre des Poèmes du Spectacle moderne, dont les Scènes sont défectueuses, est si considérable, qu’on s’imagine que le genre adopté par le nouveau Théâtre, ne demande pas un meilleur arrangement, & que ce serait le dénaturer que de chercher à lui prêter plus d’art ; on se trompe furieusement : laisserait-on toujours éxister parmi nous un Spectacle qui renverserait toutes les règles ?