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16. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Des anciens Spectacles. Livre premier. — Chapitre II. Des Naumachies. » pp. 100-111

Ce genre de Spectacle parut ou si nouveau ou si pompeux, qu’il y courut des Spectateurs de tous les endroits de la terre : & d’afluence des curieux fut si grande, qu’une bonne partie fut contrainte de s’arrester sur le chemin & de loger comme ils pûrent, les Hostelleries & les autres lieux publics estant remplis & ne pouvant leur donner de retraite. […] Ses desordres furent pourtant en quelque chose ingenieux, & il fit venir & retirer les eaux par des Machines ingenieuses & considerables, & donner en mesme lieu & presque en mesme temps des combats de Mer & de Terre. […] On y vid des chevaux, des Taureaux & d’autres animaux privez & si bien instruits à l’eau, qu’ils y combatoient comme sur terre.

17. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VI. Du sérieux et de la gaieté. » pp. 128-149

La vraie cause de l'ennui est l'amour naturel du plaisir et la vanité de tous ceux qu'on peut goûter sur la terre, qui afflige une âme frustrée des fruits de tous ses efforts. […] Tout est, à la vérité, spectacle sur la terre, affaires d'Etat, abaissement, élévation des hommes ; tout y est comédie, ridicules, intrigues, fourberies, galanteries. […] François de Sales, avec la charmante naïveté de son style, nous dit : « Quel dommage de semer dans la terre de notre cœur des affections si vaines et si sottes, qui occupent la place des bonnes ? […] Cet esprit ne pense point, il rêve ; c'est un miroir à facettes, où dans mille points de vues différents tout se peint et s'efface, un de ces coureurs qui sous le cri pompeux de rareté, de curiosité, en tournant une manivelle, fait parcourir toute la terre dans un quart d'heure. […] Un goût naturel de frivolité fut d'abord le jeu du théâtre ; ce fruit si ressemblant et si cher l'a répandu par un juste retour sur toute la face de la terre.

18. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre II. Charles XII. » pp. 32-44

Les Comédiens, sans argent & sans crédit, abandonnerent cette terre maudite : le trône de Thalie fut renversé à Stockholm, & ne fut rétabli que foiblement long-temps après. […] Qu’on compare ces hommes, d’un côté un Roi dans son camp, vêtu en soldat, buvant de l’eau, couchant sur la terre, ne regardant point de femmes, travaillant sans cesse ; & de l’autre, deux Rois plongés dans la volupté, nuit & jour à table, toujours dans l’ivresse ; & qu’on juge de quel côté doit être la victoire. […] Qu’il eût été glorieux pour lui, & plus glorieux que la victoire, après la bataille de Pultava, où Charles fut entierement défait, de lui envoyer offrir la paix & le passage sur ses terres jusqu’en Suede, d’aller audevant de lui, de le défrayer sur la route, & lui rendre tous les honneurs dus à son rang ! […] Toute l’artillerie des vaisseaux & de la ville ne cessa de tirer, le même carillon se fait entendre, tambours, trompettes, instrumens de musique, les cris perçans d’un peuple immense font retentir les airs sur la terre & sur l’onde, les échos en mugissent au loin.

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