Cette liaison se fait avec plus de facilité & plus de perfection par le moyen des Incidents, & lors que l’Entrée est un progrez ou un embarras de celle qui a precedé, ou une preparation pour celle qui suit. […] On connoît celuy qu’on doit ou suivre, ou joindre, ou éviter : & cette connoissance dirige & retablit le danceur. […] Il doit se picquer de bien faire & l’un & l’autre ; & quand il échet quelque sujet raboteux ou si peu traitable qu’il ne luy puisse approprier que mal-aisément son air, il doit en user comme les genereux, suivre le party du miserable, & qui doit le moins reussir, pour sauver la gloire de sa bonne foy & de son devoir. […] Mais encor pour l’ordinaire les Chanteus & Chanteuses sont encore plus coupables que les uns & les autres, & soit par une mauvaise habitude dans leur chant, soit par l’ambition de faire paroistre leur belle voix, ou par l’affectation des fredonnemens, ou enfin pour suivre la mesure, ils ne prononcent qu’à demy les mots, & ne font point entendre les paroles. […] Mais il est responsable au Sujet de tout ce luxe, & de toutes les erreurs qui le peuvent suivre & faire méprendre les Spectateurs, sur ces Bergers, ces Soldats & ces Villageois.
On peut dire en cet endroit, pour fortifier davantage ce qui a été remarqué ci-devant de la doctrine de saint Thomas touchant la Comédie, qu’il n’y a guerre d’apparence que saint Thomas eût voulu parler dans ses écrits de la Comédie selon l’usage commun ordinaire dont on la représentait de son temps, et la justifier, pendant que saint Louis qui estimait sa doctrine, qui prenait autant qu’il pouvait ses avis et les suivait toujours, chassait les Comédiens de son Royaume. […] Saint Antonin s’est expliqué par ce qu’il a écrit dans la troisième Partie, et par ces paroles qui suivent immédiatement celles qu’on vient de citer64 : « Et de regarder volontairement, dit-il, ces sortes de choses, c’est un péché mortel, tant parce que c’est prendre plaisir à des choses sales, que parce que le spectateur s’expose de plein gré au péril de la tentation ». […] Quoiqu’il en soit, quand on supposerait même qu’une personne serait assurée de ne point offenser Dieu en allant à la Comédie ; c’est-à-dire, que la Comédie ne produirait en elle aucun des mauvais effets qu’elle produit dans les autres, il ne suit pas de là qu’elle n’est pas coupable du péché des Comédiens. […] Sylvestre83 a suivi ce sentiment, et il ajoute qu’il semble que c’est un péché mortel, parce qu’on les entretient dans leur profession, et que l’on coopère à quelque chose qui est mortel ; Comitolus84 est pareillement de ce sentiment. […] Les Evêques dans leur Rituels ou dans leurs Instructions touchant les Comédiens n’ont point fait un droit nouveau, ils ont suivi en cela les Pères de l’Eglise et les Conciles dont on a rapporté ci-devant les autorités.
Mais, continue-t-il la force du génie, ne paroît-elle pas d’avantage à suivre le fil d’une action durant cinq actes, & toujours en croissant, que d’y coudre divers morceaux étrangers pour remplir son étendue ?