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115. (1765) De l’éducation civile « De l’éducation civile » pp. 76-113

Enfin, ne pouvant se dispenser de faire entrer dans leurs Pieces des méchans & même des scélérats, & de les faire parler conformément à leur caractere, ils eurent soin de prémunir l’esprit des Spectateurs contre le poison du vice, en introduisant sur la scene le Chœur composé de Personnages vertueux & innocens, qui prenoient part à l’action ; s’intéressoient pour la vertu opprimée ; détestoient l’injustice, & corrigeoient, par des maximes pleines de sagesse & de gravité, ce qu’il y avoit de repréhensible dans la conduite & dans les discours de quelques-uns des Interlocuteurs. […] Ces maximes, énoncées avec force, & accompagnées des charmes de la Musique & de la Danse, pénétroient profondément dans l’ame des Spectateurs. […] Je pense, en second lieu, qu’on ne peut vous imputer tous les reproches qu’on vient d’entendre, mais uniquement à l’art que vous professez, & à la futilité du plus grand nombre de vos Spectateurs. […] Si vous eussiez eu pour Spectateurs & pour Juges des hommes graves, attentifs au maintien de la discipline & des mœurs, vous auriez également tenté de leur plaire, vous vous seriez rapprochés des tragiques Grecs ; & je ne doute presque point qu’avec les heureuses dispositions que vous aviez reçues de la Nature, vous ne fussiez parvenus à les égaler. […] Quand cet habile Rhéteur donnoit ce conseil, il n’avoit probablement pas en vue les Auteurs Dramatiques, qui sont esclaves nés de leurs Spectateurs.

116. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Des anciens Spectacles. Livre premier. — Chapitre II. Des Amphitheatres. » pp. 44-72

, soit à cause de sa bassesse, soit à cause qu’elle estoit cavée & qu’elle estoit pleine de cavernes sousteraines & artificielles, dont les unes servoient a enfermer les bestes, & les autres à conserver les eaux necessaires pour les divertissemens des Naumachies, & pour la commodité des Spectateurs assemblez. […] Cette disposition des degrez facilitoit le commerce des yeux, & faisoit que les plus éloignez Spectateurs n’estoient point empeschez par les plus proches. […] asseure, qu’apres avoir subjugé l’Asie & l’Affrique, il bastit un Theatre qui fut appellé Amphitheatre à cause des degrez qui l’entouroient, & sur lesquels les Spectateurs pouvoient s’asseoir pour leur commodité. […] Pour lors ils estoient veritablement tenus de se batre & de s’exposer à la rage de ces animaux en faveur du Peuple & des Spectateurs ; mais ils avoient la liberté de se deffendre, & d’user de leur vertu & de leur adresse pour se tirer du peril & pour éviter la mort. […] Il estoit mille manieres de faire perir ces miserables, & de divertir de leurs morts l’humeur barbare des Spectateurs.

117. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE VII. Histoire de la Poësie Dramatique moderne. » pp. 176-202

La Comédie le tre Tiranni, indigne de paroître devant de graves Spectateurs, fut représentée à Bologne, en présence du Pape, de l’Empereur, & des Cardinaux : ces deux Piéces sont comptées par les Italiens, comme leurs deux premieres Piéces réguliéres. […] Elle méritoit mieux, quoique Farce, l’honneur d’être représentée devant des Spectateurs respectables, que ces premiéres Piéces Italiennes, qui n’étoient que des compositions monstrueuses, pleines d’indécences & d’impiétés. […] Shakespear, fondateur du Théâtre Anglois, fit tout à la fois parler Prose & Vers, rire, pleurer, & heurler Melpomene ; & comme il est plus facile à un Poëte d’émouvoir les Spectateurs par l’appareil du Spectacle que par ses Vers ; on vit sur le Théâtre des Anglois, ainsi que sur celui des Hollandois, dont Pierre Corneille Hoof fut fondateur, des apparitions de fantômes, des meurtres, des têtes coupées, des enterremens, des sieges de Villes, des saccagemens de Couvens, des maris égorgeant leurs femmes, des patients accompagnés de leurs Confesseurs, conduits à l’échaffaut. […] Il traitoit de grands Sujets, comme Lucifer, ou la chute des Anges, chute arrivée, suivant le Poëte, parce que le Diable étoit amoureux d’Eve, la Délivrance du Peuple d’Israel, David livrant les enfans de Saül aux Gabaonites pour être pendus, la prise d’Amsterdam, Palamede, Piéce fameuse, qui rappellant aux Spectateurs la fin tragique de l’illustre Barnevel, eût causé celle du Poëte, si l’on n’eut trouvé le secret de le dérober à la colere du Stathouder. […] Leur beauté naturelle auroit-elle pu plaire à des Spectateurs accoutumés aux désordres de Rowe, d’Otwai, de Dryden ?

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