« Toute représentation est par sa nature criminelle & peché, où les représentans se servent des paroles, ou font des gestes contraires à la pureté, ou des choses, qui puissent nuire au prochain. » Ce seroit ne pas connoître le genie du theatre moderne, que de soûrenir qu’on n’y dit jamais de ces paroles équivoques, qui fassent rougir la pudeur : & qu’on n’y voit jamais des gestes que l’honnéreté chrétienne ne souffre pas, & que cependant l’Ange de l’Ecole veut qu’on bannisse de tout divertissement. […] Saint Jerome au milieu de la Terre Sainte, où tout inspira de la pieté, sentit toute la peine du monde pour se recueillir ; & il avoue lui même, que l’importune imagination emporta souvent son esprit au milieu des divertissemens de Rome : & cette personne, plus heureuse que saint Jerome, ne souffre rien, quoi qu’elle se trouve présente à ce dangereux divertissement : quand elle veut prier le soir, elle sçait faire revénir, & se fixer l’imagination pour l’attacher à Dieu, laquelle n’étoit occupée, il y a peu d’heures, que de tout ce qui flattoit les sens. […] Une tolerance donc suppose toujours un mal : c’est ainsi qu’on souffre dans quelques Roiaumes, aussi bien qu’à Rome & ailleurs des maux, dont les personnes, qui nous objectent ceci, ne voudront pas assurement nous donner exemple, & dont toute ame, qui a de la pudeur, sent de l’horreur & de l’aversion. Je finis, Madame, & s’il y a encore quelqu’un qui a peine à souffrir, qu’on lui dise, qu’il ne lui est pas permis de frequenter la Comedie, qu’il me donne la liberté de demander, s’il voudroit mourir au sortir de la Comedie.
Quoiqu’on veuille dire que le Théâtre ne souffre plus rien que de chaste, et que les passions y sont traitées de la manière du monde la plus honnête, je soutiens qu’il n’en est pas moins contraire à la Religion Chrétienne. […] Je pense qu’il souffrirait assez impatiemment dans les unes, ce qu’il respecte tant dans les autres, et que dès qu’il verrait cette sévérité tant vantée dans un sujet auquel il prendrait quelque intérêt, il reconnaîtrait bientôt ces fausses vertus pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire, pour des vices véritables. […] Cependant combien y a-t-il de pères et de mères qui souffrent sans scrupule que leurs enfants se remplissent l’esprit et la mémoire de ces Chansons, qu’ils les chantent en leur présence et avec plaisir ; de sorte qu’en les répétant librement, ils s’accoutument insensiblement à perdre la honte et la pudeur, qui les ferait rougir dans un âge plus avancé de les entendre, si on ne les avait accoutumés de bonne heure à ce langage corrompu. […] Ne souffrez jamais qu’on fasse ou qu’on dise en leur présence la moindre chose indigne de la modestie, de la prudence et de la charité qu’on doit au prochain, dont vous faites profession en qualité de Chrétiens.
Que la femme adultère danse, dit ce grand Saint : mais celle qui est pudique et chaste, qu’elle enseigne à ses filles la piété, et non pas à danser. » Il appelle encore la danse un misérable théâtre, où les danseurs souffrent de notables ruines, et les spectateurs y font de grandes chutes, là le Ciel est taché par des regards impurs, et la terre souillée par des mouvements de lasciveté. […] Barthélemy, Carmélite, s’étant trouvée en bas âge dans une compagnie du monde où se trouvant, contre son gré pourtant, sur le point de danser avec les autres, notre Seigneur s’apparut à elle tout couvert de plaies, de sueur et de sang, lui déclara les douleurs extrêmes qu’il avait souffertes pour elle, et lui témoigna qu’il n’était pas content qu’elle se divertît en tels passe-temps : cela la fit rougir et résoudre quant et quant d’éviter telles occasions à l’avenir. 6.