je l’ai dit ; quelques mondains, c’est-à-dire un certain nombre de gens libertins, amateurs d’eux-mêmes, et idolâtres de leurs plaisirs ; de gens sans étude, sans connoissance, sans attention à leur salut ; de femmes vaines, dont toute la science se réduit à une parure, dont tout le desir est de paroître et de se faire remarquer, dont tout le soin est de charmer le temps et de se tenir en garde contre l’ennui qui les surprend, dès que l’amusement leur manque et qu’elles sont hors de la bagatelle ; mais, ce qu’il y a souvent de plus déplorable, dont la passion cherche à se nourrir et à s’allumer, lorsqu’il faudroit tout mettre en œuvre pour l’amortir et pour l’éteindre. […] Abus, mes Freres : appellez-vous amour honnête celui qui possede un homme et qui l’enchante jusqu’à lui ravir le sens et la raison, qui absorbe toutes ses penses, qui épuise tous ses soins, et qui aux dépens du Créateur, le rend idolâtre de la créature ? […] Ce jeu perpétuel, ce jeu sans interruption et sans relâche, ce jeu de tous les jours et presque de toutes les heures dans le jour, s’accorde-t-il avec ces grandes idées que nous avons du Christianisme, et que Jesus-Christ lui-même a pris soin de nous tracer : car ce n’est point moi qui les ai imaginées, c’est le Sauveur du monde qui dans toute la suite de son Evangile ne nous a parlé d’une vie chrétienne que sous la figure d’un combat, d’un négoce, d’un travail, pour nous faire entendre que ce doit être une vie laborieuse et agissante ; or y a-t-il rien de plus incompatible qu’une vie de travail et une vie de jeu ? […] Réglez votre jeu, ne donnez au jeu qu’un reste de loisir que Dieu n’a pas refusé à la nature et que la nécessité requiert ; mettez avant le jeu le service du Seigneur et les pratiques de la religion ; avant le jeu, la priere, le sacrifice des autels, la lecture d’un bon livre, l’office divin ; avant le jeu, le soin de votre famille, de vos enfants, de vos domestiques, de vos affaires ; avant le jeu les obligations de votre charge, les devoirs de votre profession, les œuvres de miséricorde et de charité ; avant le jeu, votre avancement dans les voies de Dieu, votre perfection et tout ce qui y doit contribuer ; quand vous aurez satisfait à tout cela, vous pourrez alors chercher quelque relâche dans un jeu honnête et borné, vous pourrez vous y récréer avec la paix du cœur, et même, si je l’ose dire, avec une espece de bénédiction de la part du ciel. […] Ils posoient pour principe, qu’une jeune personne ne devoit jamais se produire au jour qu’avec des réserves extrêmes et toute la retenue d’une modestie particuliere ; que la retraite devoit être son élement, et le soin du domestique son exercice ordinaire et son étude ; que si quelquefois elle sortoit de là, c’étoit ou la piété ou la nécessité qui seule l’en devoit tirer ; que s’il y avoit quelque divertissement à prendre, il falloit éviter non-seulement le soupçon, mais l’ombre même du plus léger soupçon ; que sous les yeux d’une mere discrette et vigilante elle devoit régler tous ses pas, et que de disparoître un moment, c’étoit une atteinte à l’intégrité de sa réputation ; qu’elle devoit donc toujours avoir un garant de sa conduite et un témoin de ses entretiens et de ses démarches ; enfin qu’une telle sujétion, bien-loin de lui devenir odieuse, devoit lui plaire ; qu’elle devoit l’aimer pour elle-même et pour sa consolation propre, et que dès qu’elle chercheroit à s’en délivrer, ce ne pouvoit être qu’un mauvais augure de sa vertu : c’est ainsi que ces saints Docteurs en parloient.
Evitez avec soin de vous en donner à vous-même : arrachez-vous plutôt l’œil, coupez votre main ; il vaut mieux aller dans le ciel avec un œil, que de tomber dans l’enfer avec tous les deux. […] Saint Charles, dans ses Conciles, ne finit point sur le détail des maux que font ces images licentieuses, sur l’obligation de les bruler, sur le soin que doivent avoir les peres de familles, de n’en pas laisser dans leurs maisons ; & il ne fait que répéter les oracles des anciens Conciles, entr’autres le III de Constantinople in Trullo, qui le défend absolument, & les appelle les corruptrices des ames, des séductrices des yeux, des incendiaires. […] On voit que quand on porte le Saint Viatique dans les maisons, s’il se trouve dans la chambre du malade, quelques tableaux de ce caractère, on a soin de l’ôter ou du moins de le couvrir, tant on en sent l’indécence, on le feroit encore pour recevoir la visite d’un Prince, d’un Grand qu’on sauroit ne pas aimer ces sortes de peintures ; on le feroit pour un homme de bien, un religieux, un homme grave, dont on connoît les sentimens.
Molière sembla avoir le dessein de la ressusciter de nos jours, par le soin qu’il avait que ses Acteurs portassent les mêmes habits, & eussent les mêmes manières que les originaux qu’il dépeint dans ses Drames. […] Ce Général, qui, fesant conduire à Rome les chefs d’œuvres de Praxitéle & de Zeuxis, avertit celui qui était chargé de ce soin, que s’il se rompait ou se perdait quelques statuës ou quelques tableaux, il l’obligerait d’en faire faire de pareils, peint bien les mœurs des prémiers Romains. […] Le Drame agréable fut bientôt perfectionné par ses soins ; il le mit à même d’aller de pair avec la Tragédie, & de la dévancer quelquefois.