Les rôles de femmes et les habits de ce sexe y étaient inconnus, et l’usage en était très rare.
Une autre sorte d’indécence que l’habitude ne nous permet pas de sentir, c’est le mélange des deux sexes dans les spectateurs, dans les acteurs, dans les rôles. […] Il est encore des provinces en France où chaque sexe a sa place marquée dans l’Église, & on avoit établi cet usage dans toutes les missions sauvages du Canada. […] Un sexe dont la pudeur fait la gloire, dont l’immodestie est un poison violent pour les mœurs, étalé aux yeux du public, mêlé avec des hommes, est un monstre d’indécence. […] Sans sortir des bornes de la paisible modestie du sexe, & donner dans les bruyans mouvemens du spectacle, on y apprend une bonne morale & l’art de converser avec grace & avec fruit.
La modestie du sexe, l’éducation de la jeunesse, deux objets si importans à la société, rendent donc indispensable la suppression, du moins une entiere réformation du théatre. […] Celle de nos jours ne fait que nous amuser par des intrigues, encore si ces amours étoient traités chastement, comme ceux de Théagène & Cariclée dans Heliodore, de Clitophon & Lycipe dans Achille Tatius ; elle pourroit du moins corriger cette passion, & enseigner la politesse & les égards respectueux qu’on doit au sexe. […] Le sexe en général y est offensé ; de pareils exemples peuvent faire des impressions dangereuses. […] On bâtira, aux dépens du public, un théatre le double plus grand, les deux sexes y seront placés séparément, cinq range de loges qui feront tout le tour, l’un à rez-de-chaussée, comme le parterre ; le premier pour la noblesse, le second pour la bourgeoisie, les deux autres pour le peuple.