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21. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE II. Le Théâtre purge-t-il les passions ? » pp. 33-54

Il plaît à mesure qu'il la fait plus vivement sentir. […] « Elle sent qu'elle existe en ces affreux moments » : affreuse existence ! […] Un Chrétien, s'il en est au théâtre, a-t-il besoin de masque pour sentir qu'il y est réellement au milieu des démons et des furies ? […] L'Orateur ne remue que pour faire agir, l'Acteur pour les faire sentir. […] Les passions factices qu'on sent au théâtre, sont sans chagrin, sans remords, sans fatigue, sans risque, parce qu'elles ont un objet étranger qui n'intéresse pas personnellement.

22. (1705) Sermon contre la comédie et le bal « II. Point. » pp. 201-218

Mais j’entends ici plusieurs personnes qui protestent qu’elles ne se sentent point émues à la comédie, et qu’elles n’ont jamais reçu aucune atteinte, aucune impression maligne de ces sortes d’images. […] Car on ne sent la force de cet ennemi indomptable à toute autre puissance qu’à la grâce, que lorsqu’on s’efforce de lui résister, vous ne sentez rien ! […] Comment sentiriez-vous, puisque vous êtes toujours dans l’infection et l’ordure. […] Voilà ce que la passion de la comédie objecte de plus fort pour sa justification, ce que j’y ai répliqué doit vous en faire sentir la faiblesse, et conclure avec moi que le théâtre est une source de désordres dont ceux qui ont soin de leur salut doivent s’éloigner, et s’ils sont chargés de celui des autres tels que les Pères de famille, le leur interdire absolument, que ceux qui n'ayant pas connu ces dangers y ont été quelquefois par le passé, prient le Seigneur de ne se point souvenir de leur ignorance, et que tous jurent aujourd’hui un divorce éternel avec toutes ces assemblées mondaines et profanes, dites, avec le Sage, « j’ai estimé le ris une erreur, et j’ai dit à la joie pourquoi me trompes-tu »Eccli. 2.

23. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre VIII. Les spectacles favorisent les duels. » pp. 93-95

Si on ne parlait des duellistes que comme des gens insensés, comme ils le sont en effet, si on représentait ce faux honneur comme une chimère et une folie, et la vengeance comme une action lâche, comme un crime énorme, les mouvements de colère que sentirait une personne offensée seraient infiniment plus lents ; mais ce qui les rend si vifs, c’est qu’on s’imagine qu’il y a de la lâcheté à souffrir une injure. Les théâtres, qui ne cessent de le répéter, contribuent beaucoup à fortifier cette impression ; l’esprit s’y abandonne sans réserve, et sent avec plaisir les mouvements qu’ils inspirent, et le dispose à en ressentir de semblables dans l’occasion.

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