Il leur donne un sens à son gré ; ainsi a-t-il mis à portée de tout le monde, ce qu’il falloit réduire en cendres.
Donner cette idée pour une grande découverte, s’applaudir d’avoir ouvert cette nouvelle & brillante carriere, dire avec assurance qu’on entre dans un champ plus étendu, qu’on brave l’ingratitude des contemporains, & l’oubli de la postérité ; c’est une vaine fanfaronnade, dictée par un amour propre aveugle, enivré de ses productions, qui ne connoit, qui n’estime que soi ; appeller son talent & son genre, le tragique par excellence, lui donner le privilege exclusif, croire que tout le reste n’en mérite pas le nom, que les Grecs & les Anglois seuls, ont seulement, dans quelques scénes, exposé ces magnifiques tableaux, & ce tragique vigoureux, qu’on a seul la hardiesse de dire tout haut, ce que les autres ne disent que tout bas, parce qu’on préfére la vérité à des timides convenances, que le grand Corneille n’a pas atteint le but tragique, que ses maximes, ses raisonnemens, ses projets, ses idées de la grandeur Romaine s’éloignent de l’essence du poëme théatral ; qu’il n’a de parfait que le cinquieme acte de Rodogune, parce que ce n’est que là qu’on éprouve ce bouleversement du sens, cet orage, cette mer soulevée, ce flux & ce reflux de mouvemens ; que Racine n’a jamais la majesté du tragique, (idée fausse, le terrible n’est pas majestueux, la vraye majesté n’est pas terrible) qu’il ne produit point de secousse violente, & ne déchire pas, car Mr.
Le cœur s’épanouit & respire un air de plaisir & de liberté ; telle une femme parée s’empare des sens, & fait glisser la volupté.