J’avoue que le Provincial a mieux choisi ses personnages, il les a cherchés dans les Couvents et dans la Sorbonne, il introduit sur la scène tantôt des Jacobins, tantôt des Docteurs, et toujours des Jésuites ; combien de rôles leur fait-il jouer, tantôt il amène un Jésuite bon homme, tantôt un Jésuite méchant, et toujours un Jésuite ridicule. […] Cicéron n’est pas moins nécessaire que lui, il est plus en usage dans les Collèges, il est assurément moins dangereux, car quand vous nous dites qu’on ne trouve point dans Térence ces passions couvertes que vous craignez tant, il faut bien que vous n’ayez jamais lu la première et la cinquième Scènes de l’Andrienne, et tant d’autres endroits des Comédies que l’on a traduites, vous y auriez vu ces passions naïvement exprimées, ou plutôt il faut que vous ne les ayez lues que dans le Français et en ce cas j’avoue que vous les avez pu lire sans danger.
Ceux qui soutiennent qu’un Drame n’est fait que pour occuper la Scène, nous montrent eux-mêmes qu’il doit pourtant paraître ailleurs qu’au Théâtre, puisqu’ils le font imprimer.
Nous sommes privés de l’avantage dont ils jouissaient ; nos Drames lyriques nous en font assez appercevoir, malgré les éfforts du savant Compositeur : car enfin il module des paroles, il èxprime les passions de Personnages qui ne lui sont point si familiers qu’à l’Auteur qui s’en occupa long-tems avant de les mettre sur la Scène.