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113. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE II. Le Théâtre purge-t-il les passions ? » pp. 33-54

Cependant, comme nous l'avons remarqué, on y court, la place de Grève est trop petite pour contenir la multitude qui s'en repaît, le loyer des fenêtres à chacune de ces scènes tragiques forme un revenu considérable. […] Et comme toute sorte de vices paraissent sur la scène, un Comédien doit se naturaliser avec tous les forfaits, pour en prendre les apparences, le ton, les sentiments, le langage. […] La scène donne le plaisir sans mélange, cueille la rose sans l'épine, débarrasse de la honte, et s'en fait gloire. […] Le monde n'est lui-même qu'un vain fantôme ; ses biens, ses honneurs, ses plaisirs, une ombre légère qui s'évanouit ; la scène, que l'image de ce fantôme, la représentation de cette ombre. […] La charité, l'amour des ennemis, sont-ils connus sur la scène ?

114. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — [Introduction] » pp. 2-7

Le Théatre, il est vrai, faisoit souvent usage des enchantemens, & en Grece, & à Rome ; mais les Chrétiens n’y paroissoient pas : ils avoient horreur de la scène, & ses prestiges ne faisoient impressions sur aucun Fidele. […] Comme il entroit des démons dans plusieurs mysteres, il fallut les faire paroître sur la scène pour jouer leurs rôles : il y eut même divers drames où ils paroissoient seuls ; ce qu’on appelloit des Diableries. […] Ainsi la scène fait un double mal, elle embellit la fausse religion, le paganisme, c’est-à-dire, le vice, & défigure la vraie, le Christianisme, c’est-à-dire, la vertu.

115. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VII. De la Vraisemblance. » pp. 277-286

Le Poète qui se contenterait de mettre sur le Théâtre des événemens vrais, sans autre préparation, se montrerait peu instruit ; le possible est même banni de la Scène. […] Un Frère est assez barbare pour envoyer à son Frère une boète remplie de poudre, & disposée de façon qu’en s’ouvrant elle fasse périr le malheureux objet de sa rage ; nous en sommes assurés ; pourtant un pareil tableau mis sur la Scène, révolterait tous les Spectateurs ; parce qu’il peindrait des choses trop éloignées de la Nature : il est possible qu’un Père, livré au fanatisme, ait pendu lui-même son Fils, mais on refusera toujours de croire une pareille probabilité. […] Il ose quelquefois abandonner cette Vraisemblance si précieuse, pour mettre sur la Scène de l’incroyable & des actions qui répugnent au bon sens.

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