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28. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre V. De l'impudence des Jeux Scéniques. » pp. 104-134

Et c'est pour cela que les Pères de l'ancienne Eglise n'ont pas seulement condamné les Théâtres des Païens par cette société qui rendait les Spectateurs complices d'une Idolâtrie si contraire et si pernicieuse à la foi du Christianisme, mais aussi par l'impudence des Acteurs, par les choses honteuses qui s'y représentaient, et par les discours malhonnêtes qui s'y récitaient ; et comme l'innocence des mœurs est de tous les temps, et qu'elle nous doit être aussi précieuse qu'aux Docteurs des premiers siècles, j'estime qu'il est à propos pour lever le scrupule que cette considération pourrait jeter dans les âmes touchées des sentiments de la piété de montrer ici deux choses : La première, qu'elle était parmi les Romains cette débauche effrénée des Jeux de la Scène, qui se trouva même par les Lois digne d'un châtiment plus sévère qu'une simple censure : Et la seconde, que la représentation des Poèmes Dramatiques fut toujours exempte de leur peine, comme elle n'était pas coupable de pareille turpitude. […] Mais comme ils ne savaient pas la manière de les faire, et qu'ils n'avaient point d'Acteurs, ils eurent recours aux Etruriens qui les en instruisirent, et leur donnèrent des gens capables de les jouer et de les bien exécuter, selon l'intention qu'ils avaient ; et ces gens furent nommés Histrions, selon la langue des Etruriens, comme nous dirons ci-après, parce qu'ils nommaient Istres ceux que les Romains nommaient Ludions. […] « Flore ayant acquis de grandes richesses par ses débauches, fit le Peuple Romain son héritier, et ordonna une certaine somme, dont les intérêts seraient employés tous les ans à la célébration du jour de sa naissance, pour la dépense des Jeux qu'ils nommèrent Floraux ; et parce que les Romains ne les trouvaient pas honnêtes, ils leurs donnèrent son nom, afin que la turpitude fût couverte de quelque apparence d'honneur, et feignirent qu'elle était la Divinité des fleurs qu'il fallait avoir favorable, afin que les arbres et les plantes pussent heureusement fleurir et fructifier ; et c'est cette Nymphe nommée Claris Epouse de Zéphire, dont parle Ovide en ses Fastes. […] Mais ce qu'il y eut d'étonnant, et presque d'incroyable en ces Histrions, est que les femmes venaient même toutes nues sur le Théâtre, y faisant des sauts et des gestes que l'honnêteté ne permet pas de voir ni de penser ; et que néanmoins les Matrones Romaines, les Filles et les Vestales regardaient hardiment et avec « Præter verborum licentiam quibus obscenitas omnis effunditur, exuuntur vestibus meretrices quæ tunc mimorum funguntur officio. » Lactan. l.  […] C'est le nom qu'eurent les premiers Acteurs des Jeux Scéniques, parce que les Etruriens, dont les Romains les empruntèrent durant plusieurs années, donnaient en leur langue aux Joueurs de bouffonneries le nom d'Ister « Quia Ister Thusco verbo vocabatur nomen Histrionibus inditum. » Tit.

29. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [B] » pp. 380-390

Les Romains, sous les Consuls, aussi jaloux de leur liberté que les Athéniens, mais plus orgueilleux, n’auraient jamais permis que la dignité de leur Gouvernement fut livrée à la critique amère de leurs Poètes, & qu’on l’exposat en plein Théâtre, au mépris des Spectateurs. […] Dès que l’abondance & le luxe eurent adouci les mœurs de Rome, ou plutôt énervé les Romains, la Comédie changea son âpreté en douceur ; & comme les vices des Grecs avaient passé chez les Romains, Térence, pour les peindre, ne fit que copier Ménandre. Les Romains eurent différentes sortes de Comédies, relativement aux circonstances : 1. […] De jeunes Romains en étaient les Acteurs. 2. […] Les Personnages en étaient Romains ; c’était l’opposé des Palliates, ou Pièces à manteau, dont les Personnages étaient Grecs. 10.

30. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre I. Que les Spectacles des Anciens ont fait partie de la Religion Païenne. » pp. 2-35

Jeux Romains furent célébrés et dans le Cirque et dans la scène, par Cornelius Scipion et Manlius Vulson, Ædiles Curules, avec beaucoup de magnificence et de joie pour le bon succès de leurs affaires. […] Aussi les vers du Poète Marcius ayant été reçus pour Prophétiques après la bataille de Cannes qu'il avait prédite fort clairement, on trouva que pour éviter un autre grand malheur, il enjoignait aux Romains de vouer et célébrer tous les ans des Jeux en l'honneur d'Apollon, dont les frais seraient pris en partie de ce que chacun y voudrait contribuer. […] et Albinus firent les Jeux Romains, une pièce de bois tomba sur la Statue de la Déesse Pollentia qui fut renversée par terre, et le Sénat craignant que ce ne fût un présage de quelque grand malheur, ordonna que la célébration des Jeux durerait un jour [de] plus qu'à l'ordinaire, que l'on remettrait deux Statues de cette Déesse au lieu d'une, et que la nouvelle serait toute dorée. […] Scéniques où les crimes des Dieux sont récités, joués et chantés, sont faits en leur honneur et comptés entre les choses divines ; ils les ont désirés, ils les ont commandés avec violence, ils ont prédit de grandes ruines, s'ils n'étaient faits, ils ont sévèrement puni ceux qui en ont négligé quelque cérémonie et ils ont fait connaître que leur colère en était apaisée, comme il arriva à ce villageois Latinus, ou plutôt Attinius, auquel il fut révélé trois fois en songe de refaire les Jeux Romains. » Il n'était donc pas étrange que leurs Prêtres y fussent toujours présents et qu'ils en donnassent tous les ordres nécessaires ; celui de Cérès Chamynein Æliac. […] nous l'apprend quand il veut reprocher aux Romains l'impiété publique de ces Spectacles, ayant écrit, que « tous les corps des Magistrats et des Prêtres s'y trouvent présents, les grands Pontifes, et ceux de Jupiter avec leur Mitre, les Augures interprètes de la volonté des Dieux, et ces Vierges chastes qui gardaient le feu perpétuel. » Aussi tous les ornements des lieux où les Spectacles étaient célébrés et toutes les choses qui s'y passaient, portaient quelque marque de cette vénération.

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