Molé fut dangereusement malade ; les gens de la premiere considération envoyoient chez lui tous les jours, le Roi lui fit deux gratifications de cinquante louis chacune, par la protection des Gentilshommes de la Chambre ; on lui envoya des vins exquis, des confitures les plus rares. […] Ils font rendre une exacte justice, & exercent leur juridiction avec une noble fierté, sans égard aux augustes qualités de Roi, de Prince, d’Empereur.
Quand le Roi ordonne aux Seigneurs de sa Cour, ou aux Officiers de sa Maison ou de ses Armées, de se galonner d’or et d’argent, ces habits qu’on appelle d’Ordonnance ne pourront jamais faire condamner de luxe ceux qui les portent. […] Non content d’avoir intéressé Monseigneur l’Archevêque dans votre réponse, vous voulez y faire entrer le Roi ; et l’on voit que vous remuez Ciel et Terre, l’Eglise et l’Etat, pour servir la plus méchante cause qui fut jamais. […] Enfin pour vous fermer la bouche, je vous demande si le Roi, quelque protection qu’il donne à la Comédie et aux Comédiens, a jamais obligé MM. les Curés de Paris de les recevoir à la participation des Sacrements, à leur laisser donner le Pain bénit dans leurs Paroisses, à faire Corps dans l’Eglise par quelque Confrérie, comme ils le font dans la Police ? Eux qui se vantent tant de la protection du Roi, l’ont-ils pu demander, ou l’ont-ils pu obtenir par une chose qui leur tient si fort à cœur. Si MM. les Curés de Paris en usaient de même à l’égard des Officiers que le Roi entretient dans sa Cour ou dans ses Armées, qui ne seraient pas d’ailleurs scandaleux, n’auraient-ils pas raison de s’en plaindre hautement, d’en faire des affaires à MM. les Curés, et d’implorer sur ce sujet la protection du Roi ?
La morale se sert utilement des malheurs des Rois, des faiblesses du Citoyen ; elle s’est réservée d’aller à son but en montrant le bonheur qu’on goûte au Village : elle est contrainte de le supposer, tant les êtres de chaque état ont leur part des maux qui assiègent l’humanité !