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2. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre I. Des Parfums. » pp. 7-32

Le son & la lumière se répandent & s’éloignent dans un instant, & ne consomment aucune matière ; les odeurs ne se répandent que lentement, & durent long-temps, les saveurs ne se font sentir qu’en s’appliquant au palais, & la sensation bonne ou mauvaise qu’elles excitent cet ébranlement des nerfs qu’elles picotent ne s’affoiblit que peu à peu, & se mêle avec celle qui la suit ; ce ne sont point comme dans le son ces cours d’archets, ces sentimens momentanés & précis qui se succèdent pour la mélodie, ou se réunissent pour l’harmonie, comment suivre la rapidité des sons, former des croches, battre la mesure dans le goût & l’odorat ? […] Et quoiqu’à la vérité ces sortes de péchés soient communément moins graves que les autres ; il n’y a point de Théologien qui ne convienne qu’ils peuvent être très-considérables ; mais il n’est pas douteux que si on répand les odeurs avec une mauvaise intention pour amollir, pour séduire, pour exciter les mouvemens de la chair, pour animer la débauche ; ce qui n’est que trop ordinaire, ce seroit alors un très-grand péché, il n’est guère d’Actrice qui ne mérite ce reproche. […] Montagne qui se déclare aussi grand amateur de ces bonnes odeurs, dit qu’il désireroit fort de connoître & d’avoir une pareille cuisine, afin de goûter en même-temps le double plaisir du goût & de l’odorat quand on dépeçoit les viandes, non-seulement toute la table & toute la chambre, mais tout l’appartement étoit rempli de ces odeurs ; elles se répandoient dans la rue, ce qui arrive à toutes les grandes cuisines, dont l’odeur de ce qu’on apprête se répand au loin. […] Sans sortir de la France, les Provençaux sont plus galans que les Flamands, leur pays plus chaud est plein d’orangers dont les fleurs répandent une odeur si forte que les Étrangers qui n’y sont pas accoutumés, en sont saisis & entêtés dans leurs voyages. […] Ces titres odoriférans de son antique noblesse implorent l’ennoblissement du parfum, & répandent la roture de la fanfaronade.

3. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE VI. De l’Iconomanie théatrale. » pp. 141-158

Peu de livres nouveaux où les estampes ne soient répandus à pleines mains, jusqu’aux vignettes, aux culs de lampe, aux lettres Majuscules. […] Le poison répandu, qui infecte ses appartemens, aura bientôt infecté & le public & lui-même ? […] Il n’est point de maniere plus prompte, plus facile, plus durable, plus générale de répandre le poison, que ces estampes. […] Un homme fastueux y étale la magnificence, un homme modeste y répand la simplicité ; les couleurs sombres ou des couleurs vives, décelent la gayeté ou la mélancolie ; un homme de bonne chere voudroit de grotesques, des figures bachiques, qui présentent des plaisirs à la table. […] Un des crimes d’Hérodes Ascalonite, qui fit le plus de mauvais effet sur les Juifs, ce fut d’avoir répandu, & jusques dans le temple de Jérusalem ; les images des Dieux du Paganisme, ce qui étoit en même-tems un écueil pour l’innocence, & une invitation à l’idolâtrie.

4. (1752) Lettre à Racine « Lettre à Racine —  RACINE. A Mlle. Le Couvreur. » pp. 77-80

Si-tôt qu’il frappe notre vûe, La foule d’habitans dans nos bois répandue  Se rassemble de toutes parts. […] Mais alors de ce Dieu l’étonnante magie Sur ce brillant tableau répand des traits de vie.

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