Que si sous les yeux et la discipline de maîtres pieux on a tant de peine à régler le théâtre, que sera-ce dans la licence d’une troupe de comédiens, qui n’ont point de règle que celles de leur profit et du plaisir des spectateurs ? Les personnages de femme qu’on exclut absolument de la comédie pour plusieurs raisons, et entre autres pour éviter les déguisements que nous avons vu condamnés, même par les philosophes, la réduisent à si peu de sujets, qui encore se trouveraient infiniment éloignés de l’esprit des comédies d’aujourd’hui, qu’elles tomberaient d’elles-mêmes si on les renfermait dans de telles règles. […] Ils savaient trop, que qui veut plaire, le veut à quelque prix que ce soit : de deux sortes de pièces de théâtre, dont les unes sont graves, mais passionnées, et les autres simplement plaisantes ou même bouffonnes, il n’y en a point qu’on ait trouvé dignes des chrétiens, et on a cru qu’il serait plus court de les rejeter tout à fait, que de se travailler vainement à les réduire contre leur nature aux règles sévères de la vertu.
: Prenez garde de pas tomber dans l’erreur, mes très chers frères ; vous avez les constitutions des apôtres et des hommes apostoliques, vous avez les saints canons, jouissez-en, mettez-y toute votre force, prenez plaisir à les lire, considérez-les comme vos armes, afin que par leur secours et par le soin que vous prendrez de les avoir toujours devant les yeux et de les suivre avec ferveur, ils vous servent d’armes capables de vous défendre contre toutes les attaques des ennemis de votre salut ; car ce serait une chose tout à fait indigne d’un évêque ou d’un prêtre, de refuser de suivre les règles que l’Eglise, où est le siège de Saint-Pierre, suit et enseigne. » On voit que ce souverain pontife s’écrie que ce serait une chose tout à fait indigne d’un évêque ou d’un prêtre de refuser de suivre les règles de l’Eglise ; Or, il est manifeste, cependant, que les évêques et les prêtres ont enfreint ces lois et ces règles, et que le chrétien, dans l’amertume de son cœur, voit l’Eglise désertée par les chefs propres de sa milice ; car tous les canons que je viens de citer et qui font la base constitutive de la discipline des ecclésiastiques, sont totalement inobservés, et peut-être méconnus !
Et pourquoi n’avez-vous pu souffrir que l’Auteur des lettres ait dit, en passant, que les pièces de Théâtre sont « horribles, étant considérés selon les principes de la Religion Chrétienne et les règles de l’Évangile g» ? […] La Religion Chrétienne qui règle jusqu’aux désirs et aux pensées, ne condamne-t-elle pas ces vastes projets d’ambition, ces grands desseins de vengeance et toutes ces aventures d’amour qui forment les plus belles idées des Poètes ? […] Il dit que les Poètes de Théâtre ne travaillent pas selon les règles de l’Evangile, et vous soutenez qu’on leur a bâti des Temples, dressé des Autels, et élevé des Statues ; Il faut donc conclure que les poètes ont rendu les peuples idolâtres, et qu’eux-mêmes ont été les Idolesm. Peut-on dire plus fortement qu’ils sont des empoisonneurs publics, et que leurs ouvrages sont horribles étant considérés selon les principes de la Religion et les règles de l’Evangile ? […] Le Traducteur n’a dans l’esprit que des règles de Grammaire qui ne sont point mauvaises par elles-mêmes, et qu’un bon dessein peut rendre très bonnes ?